CRITIQUE / AVIS FILM - Après « La Folle Histoire de Max et Léon », Grégoire Ludig et David Marsais se retrouvent au cinéma sous la direction de Quentin Dupieux. Dans « Mandibules », les humoristes du Palmashow incarnent deux meilleurs amis simples d’esprit déterminés à dresser une gigantesque mouche pour faire fortune…
Mandibules, la mouche aux œufs d’or
Manu (Grégoire Ludig) est un glandeur qui n’a pas de perspective sur l’avenir. Lorsqu’il déploie son duvet au bord de la plage pour une nuit à la belle étoile, Manu est du genre à mettre de côté le concept de marée, quitte à se retrouver trempé le lendemain matin. C’est d’ailleurs dans ces conditions qu’un individu louche vient lui proposer de transférer une mallette à un mystérieux contact pour la somme de 500 billets.
Une aubaine pour Manu, qui décide de faire profiter son meilleur pote Jean-Gab (David Marsais), tout aussi largué que lui, de ce bon plan. Les choses se compliquent pour les deux acolytes lorsqu’ils découvrent une énorme mouche dans le coffre de la Mercedes en ruines qu'ils ont récupérée. Mais hors de question pour Manu et Jean-Gab de se laisser abattre. Saisissant immédiatement l’opportunité qui s’offre à lui, le duo décide de dresser le gigantesque diptère pour en tirer un maximum d’argent.
L’épure lui va si bien
De film en film, Quentin Dupieux parvient à se renouveler en réutilisant des ingrédients similaires. À l’instar d’Au Poste ! et Le Daim, Mandibules donne l’impression d’assister à un sketch étiré reposant sur un concept tenant sur une ligne. Le réalisateur ne dévie jamais de son idée de départ et évite par exemple les digressions qui faisaient le charme de Steak et Réalité.
En ne dépassant pas la durée d’1h20 depuis trois films, Quentin Dupieux livre des sommets d’absurdité où le rythme est parfaitement maîtrisé et ne retombe jamais, ce qui n’était pas toujours le cas dans ses précédents longs-métrages. L’épure se retrouve aussi à travers les décors volontairement réduits. Après les murs en moquette et la verticalité sinistre d’Au Poste !, le cinéaste opte pour une esthétique ensoleillée, où l’on passe d’une caravane dans le désert à des lotissements du sud pour arriver à un sentiment d’errance quelque part entre Pierrot le fou et Kill Bill vol. 2.
Frangins malgré eux
Des choix qui collent à merveille à la non-ambition réconfortante de Manu et Jean-Gab. Face à ce duo, difficile de ne pas penser à celui formé par Eric et Ramzy dans Steak. Mais dans Mandibules, la complicité entre les deux personnages principaux n’est pas enrayée par une vulgaire bande de Chivers qui tente de s’octroyer la palme du cool. Elle est au contraire solidifiée par une énorme mouche, dont la principale utilité est de légitimer les pérégrinations du tandem particulièrement attachant.
Manu et Jean-Gab vagabondent, se checkent comme des adolescents, relativisent en permanence et parviennent toujours à se sortir de leurs galères sans vraiment le vouloir. Leur stupidité ne se pose jamais comme un frein ou un obstacle mais comme une source de solutions que Quentin Dupieux prend un malin plaisir à concrétiser, notamment dans la scène finale réjouissante où l’impression de vacuité de l’ensemble disparaît complètement, puisque le réalisateur offre une conclusion satisfaisante aux protagonistes, et ne les laisse pas sur le bord de la route comme c’était le cas dans Steak.
Une bromance aboutie qui n’est pas sans rappeler les enfantillages de Will Ferrell et John C. Reilly dans Frangins malgré eux, mais surtout de Jim Carrey et Jeff Daniels dans Dumb and Dumber. Le duo éclipse totalement les personnages secondaires, y compris celui incarné par Adèle Exarchopoulos, pourtant déchaînée en hôte méfiante qui ne peut s’empêcher de hurler à la suite d’un accident. Plutôt que d’imiter leurs inspirations américaines, les excellents Grégoire Ludig et David Marsais prouvent dans Mandibules que le ping-pong verbal des sketchs du Palmashow méritait d’être étalé sur un long-métrage, alors qu’ils ne se lâchaient pas complètement dans La Folle Histoire de Max et Léon. Associées au non-sens de Quentin Dupieux, leur spontanéité et leur complémentarité trouvent ici un nouveau souffle.
Mandibules de Quentin Dupieux, en salle 19 mai 2021. Ci-dessus la bande-annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.