CRITIQUE FILM - Avec sa nouvelle version, plus moderne et plus engagée, Josie Rourke signe un long-métrage sur Marie Stuart essentiel. Grâce à un scénario et une réalisation remarquable, la réalisatrice fait de son premier film une réussite qui remet au centre de l'Histoire celles qui l'ont marqué. C'est aussi beau que nécessaire.
Marie Stuart est certainement une des figures de l'Histoire l'a plus connue. Il aura fallu attendre un sixième long-métrage pour que le parcours tragique de cette jeune reine soit mis en scène par une femme. Marie Stuart, ici incarnée par la jeune prodige Saoirse Ronan, voit sa propre histoire relayée par la réalisatrice Josie Rourke qui signe brillamment son premier long-métrage. Si ses relations "sulfureuses" ont été mises en avant dans le 7e art, c'est sa relation avec la reine Elisabeth I, incarnée par Margot Robbie (remarquable), et celle avec le pouvoir qui sont préférées dans cette nouvelle version. Un regard plus juste, inédit et important qui fait du film un miroir de notre société actuelle : prête à donner une part du gâteau aux femmes mais qui n'hésite pas à l'empoisonner.
Des planches au plateau de cinéma
Pour son premier long-métrage Josie Rourke, directrice artistique du prestigieux Théâtre de Donmar Warehouse, à Londres, s'est entouré des meilleurs : Max Richter signe la bande-originale du film tandis que Beau Willimon met le point final au scénario. Un habitué des textes politiques qui a pu travailler, entre autres, sur Les Marches du pouvoir et House of Cards. Du côté de la photographie c'est John Mathieson qui illumine le film comme il a pu le faire en 2017 sur Logan. Et puis, comme tous les films historiques de qualité, la costumière Alexandra Byrne qui collabore souvent avec les studios Marvel ou dernièrement sur Le Crime de l'Orient-Express a créée des costumes sublimes. Mais s'entourer des meilleurs n'aurait probablement pas suffit si la réalisatrice n'avait pas veillée à ce que tout soit parfaitement cohérent. Il faut dire que la tâche était énorme. Si le film est assez intimiste dans l'ensemble, il est un véritable film historique avec toutes les attentes et les qualités que cela demande : les magnifiques paysages de terres complètement vierges ou encore les scènes de combats très bien exécutées.
La vision progressiste d'une histoire de presque 500 ans
Ce qui marque avant tout dans cette nouvelle version, c'est le désir de mettre en avant des questionnements actuels, ceux qui placent directement la spectatrice ou le spectateur dans une réalité qui n'a pas d'époque où les préoccupations restent principalement les mêmes. Ce qu'apporte Josie Rourke en tant que réalisatrice est énorme, tant elle montre plusieurs parties de l'histoire qui sont trop invisibles et dégradées. La réalisatrice opte pour un regard engagé, celui qui n'hésite pas à montrer le sang coulé lorsque Marie Stuart a ses menstruations. Mais pas gratuitement. Ce sang n'est pas dénigré, il est montré, comme celui des blessés et des morts dans les scènes de combats. D'ailleurs, la scène où le sang coule le plus, et où il est abominable et sale, est celui d'une scène d'un meurtre homophobe envers un des proche de la reine. Ce dernier remet en question la masculinité de son mari, qui, on le comprend rapidement, a des relations homosexuelles qui, aux regards des autres hommes, le remettent en question.
Un sujet, rarement traité au cinéma mais qui a pourtant, hélas, toujours existé, revient plusieurs fois : celui du viol conjugal. Et chose la plus importante, cette scène est tournée du point de vue de Marie Stuart. Une scène qui sert également à illustrer le désir des hommes de museler la reine. Une reine sûre d'elle, qui sait ce qu'elle veut et qui n'hésite pas à le dire. Si aucune scène n'est vraiment gratuite, c'est que chacune est là pour illustrer le pouvoir, sous toutes ses formes et à tous les niveaux. Ce sont ses quelques scènes et ses sujets divers qui donnent à ce récit poussiéreux, traité et re-traité, un nouvel angle et une nouvelle dimension en dressant des liens forts avec notre société actuelle.
Les sœurs ennemies ?
L'un des forces du long-métrage, en plus de son scénario, c'est son duo d'actrices : Margot Robbie et Saoirse Ronan. Toutes les deux incarnent ces deux reines emblématiques qui vont lier des liens, autant pour le bien de leurs pays respectifs, que pour se soutenir l'une et l'autre. Une amitié à double direction qui va parfois s’apparenter à de la sororité, notamment parce que toutes les deux sont deux femmes au pouvoir entourées d'hommes qui désirent prendre leur place, mais également une rivalité presque incompréhensible. Si cette thématique, racontée sous forme d'une relation épistolaire, aurait pu être fade et anecdotique, elle va pourtant servir à tirer les personnages dans leurs plus grands retranchements et donnera lieu à une scène, fantasmée mais joliment exécutée, de rencontre entre les deux femmes.
Ici, l'idée n'est pas de créer une guerre sans pitié entre les deux, bien qu'au départ la jalousie (déjà créée par les demandes de la société ; la jeunesse et la maternité notamment) se fait ressentir, leur relation se transforme en force et dévoile un lien fort qui ne cessera de les nourrir. Injustement boudé par les cérémonies prestigieuses, Marie Stuart, Reine d'Écosse s'impose par son écriture intelligente et sa réalisation remarquable. Un long-métrage d'autant plus épatant qu'il marque l'arrivée d'une nouvelle cinéaste au regard engagé dans un Hollywood qui mérite d'être bousculé.
Marie Stuart, Reine d'Écosse de Josie Rourke, en salle le 27 février 2019. Ci-dessus la bande-annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.