CRITIQUE / AVIS FILM – "Marinette", second long-métrage de Virginie Verrier, embarque avec brio le spectateur dans l’aventure hors du commun de Marinette Pichon, légende féminine du football, incarnée ici par Garance Marillier.
L’adaptation au cinéma de la biographie de Marinette Pichon
Rencontrée lors de la présentation en avant-première de Marinette à Bordeaux, la footballeuse Marinette Pichon assure "qu'elle n’aurait pu imaginer que sa biographie « Ne jamais rien lâcher » puisse un jour être portée à l’écran". Pourtant, la réalisatrice-scénariste-productrice Virginie Verrier, dont le premier long-métrage À deux heures de Paris est sorti en 2018, n’a pas hésité une seconde à lui proposer.
Et elle a bien fait ! Car Marinette est à la hauteur du parcours extraordinaire de la joueuse, qui n’aura pas été un long fleuve tranquille. La vie de celle que l’on surnomme la "Zidane" du foot féminin, s’apparente en effet à une véritable fiction. Une vie familiale difficile, parfois sordide, la découverte d’un talent, des obstacles et des conflits encore et toujours surmontés...
Marinette Pichon assure qu'elle a eu avec la réalisatrice "un excellent feeling, sans tabou et en confiance". Sa seule condition pour partager cette "mise à nu " était d'avoir "l’accord de sa mère et de sa sœur". Il faut dire qu'il est beaucoup question dans le film de l’amour inconditionnel de la mère de Marinette, interprétée par la toujours juste Emilie Dequenne. Un soutien sans failles qui contrebalance avec la violence de son père alcoolique (Alban Lenoir, impressionnant dans un rôle ingrat).
Mais la réussite de Marinette tient surtout en la formidable incarnation de la joueuse, dès ses 15 ans, par Garance Marillier. En la choisissant, la réalisatrice semble avoir vu en elle d’autres possibilités. Une facette différente de sa sensibilité, que les réalisatrices et réalisateurs n’avaient pas encore explorée dans ses précédents rôles (Grave, Madame Claude). Plus petit gabarit, l’actrice s’est donc entraînée 4 mois pour donner une crédibilité au personnage. Son modèle lui trouve ainsi "une ressemblance gestuelle bluffante", assurant qu'elles ont aussi en commun "la conviction d’être des femmes libres qui expriment leurs opinions sans être des militantes".
Une héroïne résiliente
Il n’est pas nécessaire de connaître les arcanes du football féminin pour apprécier Marinette. Ni même de s’attarder sur les détails de son parcours dans les différents clubs, divisions, pays ou types de matchs et d’entraînements. Car la mise en scène de Virginie Verrier est suffisamment dynamique pour embarquer le spectateur sans lui laisser le temps de reprendre son souffle au bord du terrain. Marinette est rythmé comme un match de foot sous haute tension, avec ses hauts et ses bas, ses espoirs et ses déceptions.
La caméra ne lâche pas d’une semelle son héroïne et fait remarquablement partager au spectateur sa palette d’émotions. Son enthousiasme, ses peurs, ses humiliations, son courage, sa résilience, mais aussi son ambition. Car le film aborde avec pudeur la façon dont se construit une ambition. Non pas une ambition déraisonnable de vouloir absolument atteindre les sommets. Mais plutôt une ambition humble, à la mesure de son talent et pas à pas.
Une ambition aussi soutenue par plusieurs bonnes fées. Le coach Brienne (Fred Testot), la coach Saint-Memmie (Sylvie Testud) puis la coach de l’Équipe de France (Caroline Proust). Tous lui donneront ce petit coup de pied salutaire. Soit pour la remettre d’aplomb lorsqu’elle est à terre et désespérée, soit pour la pousser vers son destin de grande joueuse, notamment aux États-Unis. Marinette Pichon reconnaît d'ailleurs que si "le sport de haut niveau n’est pas un monde de bisounours, le film montre bien que son personnage n’a jamais marché sur les autres. Parce que cela aurait heurté ses valeurs et qu’il y a de la place et de la lumière pour tout le monde".
Un film pour aider à faire évoluer le statut des footballeuses
Inspirée par le caractère très lucide et les décisions souvent radicales de son héroïne, la réalisatrice ne semble donc pas avoir été écrasée par l’enjeu du biopic. Elle évite astucieusement les écueils classiques de l’hagiographie. Avec toutefois un bémol dans l'inventaire des nombreux messages que son inspiratrice reconnaît "avoir eu la volonté de faire passer auprès des spectateurs". Ainsi les femmes dans le foot, l’orientation sexuelle, le handicap, la violence, l’alcoolisme, le harcèlement, le mariage gay ou encore la procréation médicalement assistée. Marinette se révèle donc un film passionnant, donnant à voir une pionnière exemplaire qui, grâce à sa passion et son talent, s'est donnée les moyens de sortir de son cercle vicieux et d’entrer dans un cercle vertueux.
Marinette de Virginie Verrier, en salles le 7 juin 2023. Ci-dessus la bande-annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.