CRITIQUE FILM - « Milla », en salle le 25 avril, montre l’itinéraire d’une jeune fille à la vie difficile. Un film qui ne s’inscrit pas dans une dramaturgie traditionnelle, avec tous les risques que cela comprend.
Milla, réalisée par Valérie Massadian, s’apparente à un pari d’un récit peu conventionnel, et ce risque entraîne le danger de faire décrocher son spectateur et de le faire passer à côté des bons éléments du film.
Les mots pour résumer l’histoire du film s’avèrent très difficiles à trouver, et c’est bien cela tout le problème de Milla. Cette œuvre cinématographique n’a pas vraiment de narration. Elle retrace une période de la vie d’une jeune fille, d’abord en couple, essayant de se stabiliser. Puis, elle tombe enceinte, et se retrouve seule à assumer son enfant tout en trouvant les boulots qu’elle peut afin de subvenir à ses besoins. Le film suit un moment de vie, mais ne raconte pas d’histoire.
L’importance d’une histoire structurée
Pour nombre de théoriciens du scénario, un film n’est pas la vie, c’est la vie qui est racontée. La différence est grande. Ainsi, un bon film peut parfaitement parler de la vie et du réel, mais en articulant le récit de sorte qu’il soit reçu le mieux possible par le spectateur. Il ne faut pas omettre que celui-ci n’a pas du tout le même rapport et la même sensibilité à l’histoire que son auteur. Et tout le défi d’une œuvre et de son auteur est d’amener son audience dans une direction, vers quelque chose. L’énorme risque de Milla est que le public ne saisisse pas où il va, ce que le créateur veut dire. La vie est dure ? OK, très bien. Et après ?
Un auteur est parfaitement libre de créer l’œuvre qu’il souhaite. Mais le risque de s’affranchir d'une règle comme la dramaturgie est de perdre son spectateur et de le laisser totalement décrocher. En effet, Milla, le personnage principal féminin, vit sa vie et avance comme elle peut, mais vers quel objectif tend-elle ? Le sait-elle, elle-même ? Est-il défini, y a-t-il des obstacles ? Quelle résolution ? Le film contient de nombreux passages où il ne se passe... Rien. Milla fait son travail, est chez elle, semble s'ennuyer... En définitif, le spectateur ressent un peu la même chose... Il s'ennuie, mais le risque pour lui c'est qu'il peut finir par s'endormir.
Comme dit précédemment, il revient de son plus grand droit à un auteur de choisir ce qu’il veut raconter et comment il désire le raconter, il en est même de son mérite. Mais, à mon très humble avis, il doit aussi avoir conscience qu’un spectateur peut décrocher plus ou moins rapidement et, qu’une fois arrivé, il n’attend qu’une chose : que le film se termine.
Des éléments intéressants
Difficile avec ce postulat de parler des bonnes choses du film, car il en contient. Ainsi, Séverine Jonckeere donne vie à une jeune fille pleine de mystère. La lumière du film donne une vraie atmosphère et lui confère une ambiance atypique. Les dialogues, par leur absence, mettent en valeur l’indicible et le non-dit.
Le rôle de Milla ne montre pratiquement jamais d’émotion, et le long-métrage est comme son personnage. Cet élément, certes frustrant, donne au spectateur de quoi s’attacher au protagoniste. Ainsi, le public comprend que cette absence d’émotion partagée est une faille du personnage. Cette intériorité permet de s’identifier à elle et de la comprendre.
Il est à souhaiter que Milla trouve son public et soit apprécié comme une œuvre singulière. Mais, malheureusement, il risque aussi d’en ennuyer plus d’un.
Milla de Valérie Massadian, en salle le 25 avril 2018. Ci-dessus la bande annonce.