Mission Impossible 7 : Tom Cruise et la saga aux portes de l'immortalité

Mission Impossible 7 : Tom Cruise et la saga aux portes de l'immortalité

CRITIQUE / AVIS FILM - "Mission: Impossible - Dead Reckoning Partie 1", septième opus de la saga portée par Tom Cruise, est un spectacle total. L'acteur et producteur montre une nouvelle fois qu'il n'y a aucune limite à son rêve de cinéma, rêve qui se révèle aussi spectaculaire que tendre, intelligent et amusant, dans un nouveau film d'exception.

La "grande illusion" de Tom Cruise

Tom Cruise défie toute projection, toute attente, toute analyse. À 61 ans, il plane sur le cinéma tel le plus royal des aigles royaux, littéralement dans Top Gun : Maverick et d'une manière à peine allégorique dans Mission: Impossible - Dead Reckoning Partie 1. Créateur, acteur, producteur et promoteur de la saga cinématographique inaugurée en 1996 avec une réalisation de Brian De Palma, Tom Cruise est devenu un magicien d'exception, délivrant à chaque fois des tours inédits et merveilleux.

Ce nouveau film Mission: Impossible a tout de la "grande illusion", cette discipline de prestidigitation qui se définit communément comme "un numéro composé de plusieurs tours de magie qui utilisent des appareils mettant en œuvre divers trucages astucieux faisant souvent appel à des illusions d'optique pour bluffer le public. Le numéro de magie est généralement exécuté par un professionnel accompagné d'assistantes dont le rôle n'est pas seulement d'aider le magicien mais aussi de détourner l'attention du public aux moments critiques du tour".

Ethan Hunt (Tom Cruise) - Mission: Impossible - Dead Reckoning Partie 1
Ethan Hunt (Tom Cruise) - Mission: Impossible - Dead Reckoning Partie 1 ©Paramount Pictures

Et en effet, Mission: Impossible - Dead Reckoning Partie 1 est un tour de magie hypnotique et un incroyable spectacle, très généreux dans son histoire, ses personnages, ses idées, ses cascades, ses sensations et ses émotions.

C'est qu'avec sa troupe, Christopher McQuarrie qui signe ici ses troisièmes scénario et réalisation Mission: Impossible, Luther (Ving Rhames) Benji (Simon Pegg) et Ilsa (Rebecca Ferguson) fidèles au poste et auxquels il faut ajouter un revenant et des nouveaux venus, aller vers l'inconnu serait presque pour Tom Cruise une promenade de santé. Et pour le public, l'occasion d'en prendre plein les yeux, de se perdre dans les méandres d'une IA diabolique, de s'envoler avec Ethan Hunt d'une falaise et s'émouvoir avec Ilsa dans la Cité des amoureux...

Héros solitaire(s) contre menace globale

Après un prologue qui présente avec brio la grande menace du film, Ethan Hunt surgit littéralement de l'ombre pour recevoir d'un coursier IMF une nouvelle mission - s'il choisit de l'accepter - consistant à récupérer la moitié d'une clé, moitié détenue par Ilsa. Cette moitié, une fois assemblée à l'autre, doit permettre de contrôler "L'Entité". Celle-ci est une intelligence artificielle militaire devenue indépendante et "consciente", rogue, introduite dans tous les systèmes et réseaux imaginables. Elle est assistée dans le monde physique par Gabriel (Esai Morales), mystérieux assassin aux allures d'archange et ennemi intime d'Ethan Hunt. Une force réaliste dans Mission: Impossible - Dead Reckoning Partie 1, mais aussi maléfique, impalpable et insaisissable, métaphysique.

Bien sûr, l'action est une nouvelle fois au rendez-vous dans Mission: Impossible - Dead Reckoning Partie 1, avec notamment un formidable numéro de pickpocketing, une course-poursuite romaine aussi amusante que destructrice et brutale, un saut à moto à - vraiment - couper le souffle, une séquence dans et sur un train inoubliable... Mais le grand vertige que propose ce film Mission: Impossible se trouve autant dans ses cascades que dans l'intensité et l'ambition de son scénario : il y a un problème urgent et réel, celui de l'intelligence artificielle. La technologie est devenue dominante, suffisante - on n'est plus si loin de Skynet - et il faut en reprendre le contrôle, en tout cas ne pas la laisser autonome ou entre des mains criminelles. Et, en conséquence du terrible danger pour les humains, les relations de ces humains vont prendre toute leur importance.

Ilsa Faust (Rebecca Ferguson) - Mission : Impossible - Dead Reckoning Partie 1
Ilsa Faust (Rebecca Ferguson) - Mission : Impossible - Dead Reckoning Partie 1 ©Paramount Pictures

L'équilibre du film touche à la perfection. Il y a l'inédit des nouvelles cascades de Tom Cruise, dont le risque est aussi captivant que leur impeccable production. Il y a de l'humour, parsemé avec précision ici et là, mêlé plus loin à une grande séquence d'action. De la nostalgie aussi, la belle nostalgie, celle qui se rappelle les beaux moments, les bonnes idées, ces instantanés parfaits de cinéma qui ont fait la qualité unique de la franchise. Tom Cruise veut boucler la boucle, mais à sa manière : à l'instar de Top Gun : Maverick, en continuant sa trajectoire. Revenir à ses classiques par la référence, mais pour aller plus loin.

Ainsi, "L'Entité" dont il est question, n'est-elle pas "L'Anti-Dieu", cette hypothèse de technologie terminale qu'évoque Benji lors de sa toute première apparition à l'écran dans Mission: Impossible 3 ? Grace, le personnage incarné par Hayley Atwell, est-elle une réminiscence de Nyah (Thandiwe Newton), la voleuse très douée de Mission: Impossible 2 ? La transaction prévue dans l'Orient-Express fait-elle écho à celle dans le TGV du tout premier film ?

Références et révolution

Il y a un génie authentique et un savoir-faire magistral, dans cette composition d'une oeuvre à la fois inédite et si intensément nourrie de références. Et ces références permettent d'entrevoir tout le chemin parcouru. D'ailleurs, "dead reckoning" se traduit en français par "navigation à l'estime", une méthode de navigation qui consiste à déduire la position d'un véhicule de la route et de la distance parcourue depuis sa dernière position connue.

Dans le Mission: Impossible de 1996, il fallait ainsi protéger un certain nombre d'agents clandestins, dont les identités était menacées d'être révélées par la publication d'une liste top secrète. L'enjeu était réel, mais circonscrit à un underworld. Aujourd'hui, dans Mission: Impossible - Dead Reckoning Partie 1, tout le monde est concerné, dans l'ombre et en plein jour. Ce changement significatif d'échelle et d'enjeux, déjà acté dans les derniers films Mission: Impossible, atteint ici son paroxysme. La menace est totale, l'implication de l'IMF est totale, et le spectacle l'est aussi.

La capacité unique de la saga à lier la nouveauté et la réinvention est constitutive du fait que Mission: Impossible - Dead Reckoning Partie 1 possède ainsi de bonnes largeurs et longueurs d'avance sur des films comme ceux des sagas John Wick et Fast and Furious, et même ceux de la saga James Bond, le mètre-étalon historique du genre. Ce genre que domine maintenant impérialement Mission : Impossible.

Alana Mitsopolis (Vanessa Kirby) - Mission: Impossible - Dead Reckoning Partie 1
Alana Mitsopolis (Vanessa Kirby) - Mission: Impossible - Dead Reckoning Partie 1 ©Paramount Pictures

Dans ce monde qui rebat ses cartes à la vitesse spectaculaire d'un algorithme, on pourra particulièrement apprécier la prise de contrôle par les personnages féminins du mouvement du film. Une des plus belles séquences est une formidable confrontation verbale au palais des Doges de Venise impliquant la quasi-totalité du casting, dans un fantastique décor qui peut rappeler celui de l'introduction du personnage d'Ilsa Faust dans Mission: Impossible - Rogue Nation, où Grace, Ilsa, Alana (Vanessa Kirby) et Paris (Pom Klementieff) deviennent les personnages, sinon principaux, du moins moteurs de l'histoire. Plus que des assistantes "dont le rôle n'est pas seulement d'aider le magicien mais aussi de détourner l'attention du public", elles captent pour elles-mêmes cette attention, elles ne sont plus sur la trajectoire mais deviennent cette trajectoire.

Sans entrer dans les détails d'un développement de personnage très accompli, le sort d'Ilsa dans Mission: Impossible - Dead Reckoning Partie 1, troublante "jumelle" d'Ethan Hunt, est le point d'orgue de cette prise de pouvoir. À partir de là, les hommes de l'histoire, Ethan Hunt en tête, apparaissent presque comme dépassés, moins prompts, faillibles, plus humains et aussi plus amusants. Ce qui ne rend pas la tâche du tout aisée à l'antagoniste incarné par Esai Morales, qui manque parfois de prestance, mais pour lequel il est promis que la deuxième partie fera une place de choix. Un (petit) dommage collatéral d'un mouvement qui est cohérent, naturel, d'une logique implacable, une bascule géniale dans le déroulement du film.

Humains contre machines

Ce nouveau Mission: Impossible, et la comparaison avec Top Gun : Maverick tient encore, s'adresse au public comme à l'industrie du cinéma elle-même. Il ouvre un champ d'exploration, il montre que les fonds verts ne sont pas une fatalité, que la technologie et l'intelligence humaines liées peuvent toujours aller plus loin. Qu'on peut se divertir, s'amuser et s'émouvoir en équipe au cinéma. Les 2h46 du film passent en un clin d'oeil, malgré son rythme plutôt patient. Les impressionnantes cascades sont effectuées avec le maximum d'effets pratiques. Les temps sont graves mais la tendresse et l'humour viennent soulager les corps et les esprits. Tom Cruise veut ainsi dire quelque chose, veut faire croire à un futur, pour cette saga et pour le cinéma. Et la force démentielle qu'il met dans cette volonté a bien quelque chose de bouleversant.

Mission: Impossible - Dead Reckoning Partie 1
Mission: Impossible - Dead Reckoning Partie 1 ©Paramount Pictures

Cette "Entité" qui menace les personnages, serait-ce l'écosystème numérique qui menace le monde physique ? Les réseaux, à force de tous nous rassembler, nous mettent-ils en danger chacun ? Des questions qui sont formulées dans le film : pour combattre cette IA virale, il faut penser analogique. L'IA sait exactement ce que font les personnages, où, comment et quand. Alors peut-être que, pour le salut de chacun, ils doivent se débrancher, se séparer.Ce n'est simple pour personne, mais Ethan et Ilsa savent eux, silencieux et touchants, qu'ils sont condamnés pour le bien de leurs proches à être des héros solitaires... C'est ainsi, très agréable paradoxe, qu'on n'a jamais autant ressenti combien ces personnages s'aiment et se soucient les uns des autres. Et, puisqu'on n'est pas à un joli paradoxe près, c'est finalement la subtile confrontation des personnages à leur inévitable fin qui conduit cette grande histoire aux portes de l'immortalité.

Il faut maintenant attendre la sortie de Mission: Impossible - Dead Reckoning Partie 2, en juin 2024, pour s'assurer que cette première partie, parfaitement autonome par ailleurs, est bien le premier volet d'un chef-d'oeuvre. Elle en a en tout cas toutes les qualités.

Mission: Impossible - Dead Reckoning Partie 1 de Christopher McQuarrie, en salles le 12 juillet 2023. Ci-dessus la bande-annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.

Conclusion

Note de la rédaction

Les superlatifs manquent pour qualifier la nouvelle oeuvre cinématographique de Tom Cruise, un an après le phénomène "Top Gun : Maverick". "Mission: Impossible - Dead Reckoning Partie 1" dispose d'une action hors norme, déploie un scénario très investi, et aussi déborde de tendresse pour ses personnages. Un blockbuster parfait, un grand film de cinéma, et peut-être le meilleur film de la saga derrière l'indétrônable "Mission: Impossible" de 1996, auquel celui-ci rend un très bel hommage. À voir absolument.

Note spectateur : Sois le premier