CRITIQUE FILM - Avec "My Wonder Women", Angela Robinson revient sur les origines de la super-héroïne la plus célèbre au monde. Épaulée par trois solides comédiens, la réalisatrice signe un film prenant mais qui manque malheureusement d’audace.
Pour son troisième long-métrage, l’habituée du petit écran Angela Robinson (The L World) s’est penchée sur un sujet prometteur. La réalisatrice s’est en effet intéressée aux origines de Wonder Woman, personnage né des fantasmes d’un éminent professeur de psychologie en pleine Seconde Guerre mondiale .
Dans les années 30 à Harvard, William et Elizabeth Marston mènent des recherches sur le détecteur de mensonge. Pour leurs travaux, ils sont assistés par Olive Byrne, une étudiante en psychologie qui s’est portée volontaire. L’amour naissant au sein du trio va rapidement bouleverser leur vie. Les personnalités des deux femmes et les rapports qu’ils entretiennent vont inspirer le professeur Marston. Il créera grâce à leur histoire d’amour le célèbre personnage de Wonder Woman. La super-héroïne fera sa première apparition dans un comic en 1941.
Un sujet passionnant
Revenue sur le devant de la scène l’an dernier grâce au film de Patty Jenkins (Wonder Woman), Wonder Woman continue de fasciner et suscite un véritable enthousiasme. Pourtant, cela n’a pas toujours été le cas. Avec My Wonder Women, Angela Robinson revient sur la naissance de cette figure emblématique de la bande dessinée.
Dans l’ouverture du film, le professeur Marston est tenu de s’expliquer sur les références sexuelles présentes dans le comic, ainsi que sur certaines symboliques jugées tendancieuses. Face à une administration conservatrice et pédante, Marston tente de prouver tant bien que mal la légitimité de sa création. Influencé par le mouvement féministe, Marston a créé une héroïne bien trop libérée pour le comité de censure puritain. Ce dernier est en effet convaincu qu’elle est une mauvaise influence pour les jeunes lecteurs avides de bandes dessinées.
Si le combat de Marston contre le comité met en avant la pression qu’ont subie l’auteur et son éditeur pour continuer de publier les aventures pourtant populaires de la super-héroïne, il ne représente pas le cœur de My Wonder Women. Angela Robinson préfère se concentrer sur les motivations de Marston et sur ce qui l’amena à créer ce personnage. Éminent professeur de psychologie qui fit des recherches sur le langage DISC, William Marston était convaincu que les femmes sont plus honnêtes que les hommes. On découvre à travers le film que ses compagnes Elizabeth Marston et Olive Byrne jouèrent un rôle fondamental sur ses travaux.
Ce sont leurs rapports amoureux et leurs fantasmes, les véritables origines de Wonder Woman, qui sont le plus développés dans le film. La réalisatrice se focalise davantage sur la rencontre du couple avec l’étudiante, la naissance de leurs sentiments réciproques et leurs difficultés à s’afficher ensemble en société. En s’intéressant à ces moments charnières, Angela Robinson revient à la fois sur les mœurs d’une époque et sur la vie de trois personnages profondément attachants. S’il s’attend à explorer la création de Wonder Woman, le spectateur découvre donc avant tout une touchante histoire d’amour étalée sur de nombreuses années.
Des acteurs qui sauvent une réalisation consensuelle
My Wonder Women bénéficie de la présence de trois excellents comédiens, qui naviguent aisément entre plusieurs registres. D’abord extrêmement affirmée, Elizabeth Marston, interprétée par Rebecca Hall, se renferme avec les années, notamment lorsque son histoire d’amour subit les foudres et les jugements de ses voisins. Alors qu’elle rejetait toute forme d’autorité au début du film, elle préfère finalement se conformer à l’idéologie prédominante pour préserver ses enfants.
A l’inverse, Olive Byrne, incarnée par Bella Heathcote, ne cesse de s’affirmer pour vivre son bonheur pleinement. Quant à William Marston, campé par Luke Evans, il intériorise beaucoup plus et tient davantage un rôle d’observateur dans le trio.
Les rapports de force, évoqués lorsque le professeur explique à ses étudiants le langage DISC, s’inversent tout au long du film. Les rôles de soumission et de domination s’échangent, notamment dans les rapports intimes qui influenceront la bande dessinée. Si les acteurs retranscrivent à merveille leur état d’esprit, la réalisation ne suit malheureusement pas toujours.
Angela Robinson parvient à capter les émotions de ses personnages et à les communiquer sans difficulté au spectateur. En revanche, My Wonder Women a l’allure d’un biopic bien trop sage et classique pour son sujet. Contrairement à la super-héroïne créée par Marston, le film manque en effet de fougue et d’énergie. La construction narrative, qui alterne sobrement entre passages d’interrogatoire et flashbacks, reflète ce manque d’audace. Les passages abordant la naissance de Wonder Woman méritaient par ailleurs davantage de dynamisme. Personnage alliant les facettes des deux femmes que Marston aime, l’Amazone est finalement peu mise en valeur.
Les références subversives sont évoquées très rapidement lors de la confrontation avec le comité de censure. Lorsqu’elle évoque la réception du comic, Angela Robinson accélère le rythme. Elle se contente d’une courte scène où son créateur fait face à des citoyens qui jettent son œuvre au bûcher. Cette distance ne permet par ailleurs pas au spectateur de saisir l’impact de Wonder Woman sur la population, qui l’a d’abord aimée avant de la rejeter.
Le plus important dans le long-métrage demeure l’histoire d’amour entre trois personnages brillants, passionnés et impliqués. Malgré une perception du temps difficile pour le spectateur, le film est une réussite à ce niveau. Les rapports sentimentaux prennent largement le pas sur les symboliques parfois expédiées autour de la super-héroïne. S’il met de côté certains éléments, My Wonder Women demeure un long-métrage captivant dans sa manière de se focaliser sur ses protagonistes.
My Wonder Women de Angela Robinson, en salle le 18 avril 2018. Ci-dessus la bande-annonce.