CRITIQUE / AVIS FILM - Kenneth Branagh incarne Hercule Poirot pour la troisième fois dans "Mystère à Venise". Un film qui souffre des mêmes problèmes que "Le Crime de l'Orient-Express" et "Mort sur le Nil" ?
Mystère à Venise : un cadre plus "sobre" pour Hercule Poirot
S'il fallait classer Le Crime de l'Orient-Express et Mort sur le Nil dans la filmographie de Kenneth Branagh, ils seraient plus proches d'Artemis Fowl et Le Limier que de Belfast et Hamlet. Plombées par une photographie outrancière (en particulier le deuxième long-métrage), par un casting rempli de noms prestigieux mais pour la plupart sous-exploités, par un énorme manque de rythme ainsi que par l'horrible accent de sa tête d'affiche, les deux premières enquêtes de ce nouveau Hercule Poirot s'imposaient comme des whodunit où l'envie de dormir devenait beaucoup plus forte que celle de débusquer le coupable.
Kenneth Branagh pouvait-il faire pire que Mort sur le Nil ? Probablement pas. Y avait-il encore un espoir qu'il puisse faire mieux ? Pas vraiment. Mais le réalisateur et comédien, visiblement très attaché à l'oeuvre d'Agatha Christie, a fait plusieurs efforts pour Mystère à Venise, adapté du roman La Fête du potiron (ou Le Crime d'Halloween selon l'édition). Le film est tout d'abord le plus court de la trilogie, et cela se ressent à l'écran. Plus ramassé et prenant le temps de dévoiler chaque personnage sans s'embarrasser avec des sous-intrigues inutiles, le thriller est sans hésitation le plus efficace de la franchise.
Sans complètement mettre de côté les démons d'Hercule Poirot, Kenneth Branagh abandonne par exemple les flashbacks du deuxième opus, qui n'apportaient pas grand-chose. Résigné et refusant de se pencher sur de nouvelles affaires, le détective belge se retrouve ici embarqué par son amie romancière Ariadne Oliver (Tina Fey) dans une étrange soirée, quelques années après la fin de la Seconde Guerre mondiale. Dans un palais vénitien somptueux mais vieillissant, la cantatrice Rowena Drake (Kelly Reilly) cherche à prendre contact avec sa fille décédée grâce à l'aide de la médium Mrs. Reynolds (Michelle Yeoh), qui prétend pouvoir communiquer avec les défunts. Au cours de cette séance de spiritisme, l'un des participants est brutalement tué. Un meurtre qui convainc forcément Hercule Poirot de reprendre du service...
Kenneth Branagh flirte avec le fantastique
S'il réutilise de nombreux ingrédients du Crime de l'Orient-Express et de Mort sur le Nil, Mystère à Venise les surpasse parce que Kenneth Branagh malmène pour la première fois le personnage qu'il incarne, qui enquêtait de manière un peu trop décontractée dans les deux précédents longs-métrages. Ici, Hercule Poirot est véritablement en danger et doit surtout faire face à d'étranges visions. Le palais dans lequel il mène ses investigations est réputé pour être hanté et le détective semble effectivement voir des fantômes.
Kenneth Branagh s'amuse à flirter avec l'horreur et le fantastique dans ce troisième volet, ce qui le distingue là encore des deux précédents. Là où l'Orient-Express et le bateau voguant sur le Nil n'étaient que des décors clinquants, il joue ici avec les failles de la bâtisse, mais aussi avec son histoire et les douloureux secrets qu'elle renferme. De quoi tenir davantage le spectateur en haleine, qui s'interroge sur la nature du lieu en plus d'essayer de chercher le coupable. En concentrant son récit sur une nuit et en ne sortant quasiment pas du palais, le réalisateur limite par ailleurs les effets de synthèse clinquants qui finissaient par rendre Mort sur le Nil profondément laid.
Enfin, l'autre qualité de Mystère à Venise est que ses acteurs de renom ne semblent pas uniquement faire acte de présence. Qu'il s'agisse de Camille Cottin, Riccardo Scamarcio ou Jamie Dornan, ils ont tous quelque chose à jouer, même s'ils ont tendance à sortir longtemps du cadre avant de réapparaître miraculeusement lorsque l'intrigue le demande. En résumé, si le film ne brille pas par son originalité, Kenneth Branagh a corrigé de nombreuses erreurs des deux précédents sur Mystère à Venise pour livrer une enquête mystérieuse et prenante, ce qui est déjà un grand pas.
Mystère à Venise de Kenneth Branagh, en salles le 13 septembre 2023. Ci-dessus la bande-annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.