CRITIQUE FILM - Fort de son succès en 2009, "Neuilly sa mère" revient 10 ans plus tard dans les salles. Une suite sans prétention qui s’inscrit dans l’air du temps.
Il y a dix ans, la France découvrait le visage de Samy Seghir dans Neuilly, sa mère. Le film avait alors marqué les esprits. Avec le cliché du jeune de banlieue contraint de déménager dans le chic Neuilly sur Seine, la formule était simple et efficace. Quoiqu’un peu poussive sur les bords.
Neuilly sa mère version 2018
Si aujourd’hui, le film a un peu vieilli, son second volet, Neuilly sa mère, sa mère, le dépoussière pour le remettre au goût du jour. Au menu ? La famille De Chazelle est ruinée et donc contrainte de déménager à Nanterre. Les voilà chez Sami, qu’ils avaient eux-mêmes accueilli dix ans plus tôt.
Depuis 2009, tout le monde a bien changé. Sami, tête de Turc de sa classe à Neuilly est désormais à Sciences Po. Son cousin élitiste Charles, qui lui menait la vie dure, est quant à lui entré en dépression depuis la défaite de Nicolas Sarkozy face à François Hollande en 2012. Quant à Stanislas de Chazelle, il est accusé de maltraiter les porcs de son entreprise, puis épinglé pour fraude fiscale. Tous doivent composer dans ce nouvel environnement inconnu, loin des buissons taillés et des résidences privées de Neuilly sur Seine.
Neuilly sa mère, sa mère, une suite facile ?
Il n’est pas rare de voir un changement de cadre s'opérer dans les suites. Ainsi, dans La Ch'tite Famille, c’est le Nord qui est troqué contre la capitale. Dans Babysitting 2, Philippe Lacheau et son équipe s’envolent au Brésil… Ici, le décor passe de Neuilly à Nanterre. On pouvait donc légitimement s’inquiéter de la fragilité dans l’écriture. Malgré cela, Neuilly sa mère, sa mère s’en sort honorablement. Gabriel Julien-Laferrière reprend les commandes de ce second volet, et offre un film avec plus de maturité par rapport au précédent. Entre le premier et le second film, le réalisateur s’est essayé au petit écran avec Fais pas-ci, Fais pas ça. Ce qui transparaît nettement dans cette suite, surtout au niveau de l’humour. Il s'en trouve affiné par rapport à Neuilly sa mère.
Un nouveau rapport au monde justement représenté
Depuis 2009, les temps ont bien sûr évolués, de même que les standards de l’humour. Aujourd’hui, le public est friand de finesse, de références, d’ironie narcissique, et de jeu avec la frontière du politiquement correct. Le tout dans un contexte surmédiatisé, où la politique apparaît comme un spectacle qui se construit en fonction des affaires qui éclatent. D’une France sous Sarkozy découvrant timidement l’influence d’Internet, on passe à l’ère Macron avec les réseaux sociaux omniprésents. Gabriel Julien-Laferrière offre dans Neuilly sa mère, sa mère, une représentation juste dans sa caricature du monde médiatique et politique actuel.
Au-delà de ça, Neuilly sa mère, sa mère évolue dans une France post-attentats, consciente de la problématique des limites de l’humour. Les dialogues s’en alimentent donc et le ton réussit à être juste. Les personnages n’évoluent pas dans un espace clos, mais intègrent le spectateur dans cet espace de jeu. Ils s'adressent directement à lui. Neuilly sa mère, sa mère apparaît comme une cour de récréation dans laquelle on peut rire du contexte géo-politique. Et où l’absurde flirte avec la réalité. Gabriel Julien-Laferrière a su adapter son humour caricatural dans ce nouveau schéma.
Neuilly sa mère, sa mère de Gabriel Julien-Laferrière, en salle le 8 août 2018. Ci-dessus la bande-annonce.