CRITIQUE / AVIS FILM - 10 ans après "Les Crimes de Snowtown", Justin Kurzel s'empare d'un autre terrible fait divers australien. Dans "Nitram", il revient sur les jours qui ont précédé la tuerie de Port-Arthur en 1996.
Nitram : une histoire vraie
Quoi que l'on pense des deux passages de Justin Kurzel à Hollywood (le fulgurant Macbeth et le très moyen Assassin's Creed), l'Australien a davantage prouvé l'étendue de son talent dans son pays. On se rappelle du choc Les Crimes de Snowtown et plus récemment du Gang Kelly. La violence est un motif qui l'intéresse et Nitram va lui permettre d'en parler une fois de plus. Caleb Landry Jones prête son allure toujours aussi remarquable au personnage éponyme. Un jeune homme à la vie modeste, qui vit encore chez ses parents. Dans l'Australie des années 90, il fait la rencontre d'Helen (Essie Davis), une jeune femme, héritière d'une famille riche, qui s'est éloignée de la société pour vivre avec ses animaux. C'est ainsi que débute une étrange histoire entre eux. Mais la vie de Nitram va dérailler complètement, le poussant à commettre l'irréparable.
Le scénario s'inspire de la tuerie de Port-Arthur ayant ouvert un débat sur la circulation des armes à feu en Australie. Beau sujet, en l'occurence, même s'il faut évidemment passer après l'écrasant Elephant.
Dans la tête d'un futur tueur
Comment un jeune homme en vient à s'acheter des armes et à ouvrir le feu sur des dizaines de personnes ? C'est de son cheminement dont il est question dans Nitram. Malgré des cartons en fin de film qui glissent sur le terrain de la politique (les mesures adoptées n'ont pas eu l'effet escompté), Justin Kurzel s'en tient plus à une description qu'à une profonde analyse. Le jeune homme incarné par Caleb Landry Jones (excellente performance de sa part) est directement présenté comme quelqu'un d'instable. L'inaugurale scène d'interview a presque une valeur prophétique. Nitram, enfant, avoue qu'il va rejouer avec des pétards alors qu'il vient de se blesser en en manipulant. Dans la scène suivante, il se fait remarquer en déclenchant de nombreux explosifs, au grand dam de ses voisins et de ses parents. Pas besoin d'en voir plus pour comprendre à qui nous avons à faire.
Un sujet traité avec intelligence
Le film, sur une pente glissante, entreprend d'accompagner quelqu'un qui a déjà sombré. Son passage à l'acte n'est même plus un événement quand il survient. Justin Kurzel décide d'ailleurs avec justesse de se tenir à distance lors des moments décisifs. En misant sur le hors-champ et l'ellipse avec intelligence, il se refuse à basculer dans l'épate ou d'en tirer une quelconque jouissance filmique. Là où d'autres auraient peut-être essayé de dégainer des grandes scènes choquantes pour malmener les spectateurs, le metteur en scène a confiance en son approche et sait que tout ce qui précède la tuerie suffit amplement pour faire froid dans le dos. La scène où Nitram achète des armes à feu (sans permis, précision importante) est bien plus frappante que de le voir tirer sur des pauvres gens sans défense.
Le long-métrage réussit avec un certain brio à nous faire pénétrer dans un esprit malade, en lui accordant quelques circonstances atténuantes sans qu'elles ne deviennent des excuses à son passage à l'acte. Un exercice délicat, auquel Justin Kurzel se frotte en évitant avec dextérité de faire basculer le spectateur dans la position de complice.
Nitram de Justin Kurzel, en salle prochainement. La bande-annonce ci-dessus. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.