Nope : le coup de maître de Jordan Peele

Un film intrigant et passionnant

Nope : le coup de maître de Jordan Peele

Avec "Nope", Jordan Peele fait une première incursion dans la science-fiction au cinéma. Un long-métrage passionnant, qui rappelle par certains aspects l'œuvre de M. Night Shyamalan mais qui marque surtout une nouvelle étape dans la carrière de son réalisateur.

Nope : les signes de Jordan Peele

Au même titre que sa réappropriation de The Twilight Zone : La Quatrième dimensionUs laissait un goût d'inachevé après l'excellent Get Out. Reposant sur un concept prometteur, le deuxième film de Jordan Peele ne parvenait pas à le transcender jusqu'au bout, s'embourbant dans un final poussif et frustrant. De quoi susciter une crainte vis-à-vis de Nope : le résultat sera-t-il à la hauteur de l'idée ?

Le troisième long-métrage du réalisateur débute avec une scène qui laisse espérer le meilleur : dans un ranch isolé en Californie, des objets métalliques tombent soudainement du ciel. Alors que le propriétaire Otis Haywood (Keith David) discute de ses chevaux avec son fils OJ (Daniel Kaluuya), une pièce vient s'enfoncer dans son crâne, ce qui provoque sa mort quelques minutes plus tard.

Nope
Nope ©Universal Pictures

Après l'autopsie, OJ apprend que ces objets viendraient d'un avion. Il tente de reprendre l'entreprise familiale avec l'aide sa petite sœur Emerald (Keke Palmer), et des phénomènes de plus en plus inquiétants se produisent au-dessus d'eux. Derrière des nuages immobiles, ils sont persuadés d'apercevoir un engin non identifié en mouvement qui serait à l'origine de coupures d'électricité. À cela s'ajoutent les disparitions successives de plusieurs de leurs chevaux...

L'histoire de cette famille en plein deuil installée à l'écart du monde et s'interrogeant sur la possible présence d'une entité extraterrestre rappelle évidemment Signes. Mais tandis que le film de M. Night Shyamalan se focalisait sur ses personnages principaux, et ce de manière formidable, Nope navigue entre différents sujets qui, à première vue, n'ont pas grand-chose à voir les uns avec les autres.

Un ambitieux mélange des genres

En parallèle du récit des Haywood, le long-métrage retrace à travers plusieurs flashbacks un massacre orchestré par un singe comédien sur le tournage d'une sitcom. Ces digressions laissent craindre un gigantesque fourre-tout mais il n'en est rien. Jordan Peele relie rapidement les deux intrigues et leurs protagonistes. L'une joue avec les codes de la science-fiction, pendant que l'autre confirme que le cinéaste est capable de mettre en scène des séquences horrifiques glaçantes. Dans les deux, l'utilisation du hors-champ n'avait pas été aussi marquante dans un film de genre américain depuis Old, le dernier bébé de Shyamalan.

Nope
Ricky Park (Steven Yeun) - Nope ©Universal Pictures

Jordan Peele s'en sert pour attiser la curiosité du spectateur, qui ne demande logiquement qu'à voir ce qui se trame dans le ciel. Et à vouloir trop en voir et en montrer, certains des personnages se perdent. Nope a pour toile de fond l'industrie du cinéma et du spectacle, les Haywood faisant notamment partie des plus vieux dresseurs de chevaux à Hollywood. Des travailleurs invisibles mais sans qui les longs-métrages ne pourraient pas fonctionner. Steven Yeun incarne quant à lui un ancien acteur révélé très jeune reconverti en propriétaire d'un parc à thème, prêt à tout pour faire fortune et retrouver sa gloire d'antan.

Quand certains sont aveuglés par une quête du spectaculaire, de l'image et du profit, quitte à ignorer les dangers et à s'effondrer, les artisans au second plan restent professionnels et avancent, faisant preuve d'ingéniosité pour démêler les situations. C'est littéralement ce qu'il se passe dans Nope, qui dresse un constat amer et sarcastique mais jamais grossier sur Hollywood tout en rendant hommage aux techniciens.

Un duel final impressionnant

Des techniciens représentés par les Haywood mais aussi par les experts de l'image interprétés par Brandon Perea et Michael Wincott (excellent et bien trop rare). C'est grâce à eux que l'invisible peut se révéler et que Jordan Peele peut basculer dans un gros morceau de bravoure final, sorte de croisement inédit entre Independence Day et True Grit. Un dernier acte impressionnant, qui donne le sentiment de découvrir quelque chose de véritablement nouveau dans la science-fiction.

Nope
Nope ©Universal Pictures

C'est aussi au cours de cette partie que Jordan Peele continue de marcher sur les traces de M. Night Shyamalan en accentuant la dimension familiale extrêmement touchante du film. Contrairement à Us, tout ici paraît logique et cohérent et les scènes qui n'avaient a priori rien à voir entre elles finissent par se répondre magistralement. Spectaculaire et intime, Nope est une œuvre totalement maîtrisée et aboutie, à ranger parmi les meilleures de 2022.

Nope de Jordan Peele, en salles le 10 août 2022. Ci-dessus la bande-annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.

Conclusion

Note de la rédaction

Nettement plus subtil et abouti qu'"Us", "Nope" navigue entre l'intime et le spectaculaire, dressant un constat sarcastique sur l'industrie du divertissement tout en sachant justement parfaitement comment divertir et surprendre le spectateur. Mélange des genres improbable mais cohérent et histoire familiale poignante, le film est un gros coup de cœur.

Note spectateur : 1 (2 notes)