Omar la Fraise : Reda Kateb et Benoît Magimel magnifiques en gangsters pris par l'ennui

Omar la Fraise : Reda Kateb et Benoît Magimel magnifiques en gangsters pris par l'ennui

CRITIQUE / AVIS FILM - Reda Kateb et Benoît Magimel incarnent deux bandits coincés en Algérie dans "Omar la Fraise". Un film de gangsters drôle, grave et flamboyant avec lequel les deux acteurs trouvent chacun l'un de leurs plus beaux rôles, qui révèle également le talent du réalisateur Elias Belkeddar et de la comédienne Meriem Amiar.

Omar la Fraise : de Paris à l'Algérie

À Paris, Omar (Reda Kateb) et Roger (Benoît Magimel) sont des rois, des légendes. Des voleurs respectés au-delà des frontières françaises, y compris en Algérie. Après une transaction mouvementée et sanglante à laquelle ils survivent en toute tranquillité, les bandits se retrouvent coincés dans une immense villa du pays, où deux canapés en cuir et une gigantesque télé peinent à combler le vide de la propriété.

Ayant le choix entre se baigner dans une piscine sans eau, faire un footing et de l'exercice sur la terrasse ou prendre un bain de soleil en refaisant le monde, Omar et Roger font vite le tour des lieux. Ils décident donc de tromper l'ennui à leur manière : en sniffant une montagne de cocaïne, en brisant des bouteilles sur le crâne de videurs violents, en intimidant leurs admirateurs de la nouvelle génération et en conseillant de jeunes laissés-pour-compte sur la meilleure façon de voler sans faire trop de casse.

Omar la Fraise
Omar la Fraise ©STUDIOCANAL

Deux individus forcément détestables pour les garants de la bonne morale qui pourraient reprocher à Elias Belkeddar, qui signe son premier long-métrage en tant que réalisateur, de les filmer avec complaisance et une certaine fascination. Ce serait mal comprendre le projet et sa manière de reprendre la structure narrative de nombreux films de gangsters, de Scarface à Casino, préférant cependant faire l'impasse sur l'ascension pour se focaliser sur la chute de deux figures du crime, racontée avec humour, panache et une énergie folle.

Du grand banditisme à une fabrique de biscuits

Omar la Fraise donne le ton dès son générique d'ouverture. Les coups de couteaux sont nombreux et viennent ensanglanter des chemises blanches, tandis qu'un parpaing vient lourdement s'écraser sur un visage. Un massacre qu'Omar et Roger regardent de loin, et de haut, avec détachement et en avançant nonchalamment dans des ruelles avant de récupérer leur paquet convoité avec tout autant de décontraction.

Une introduction qui survient à la suite d'une anecdote que Benoît Magimel raconte à Reda Kateb en plein désert. Un échange hilarant qui en dit long sur leur amitié, élément central du long-métrage, et sur la vie violente qu'ils ont toujours menée. Et si Omar et Roger ne peuvent à leur âge plus se refaire, ils ont droit de continuer à rêver d'un avenir radieux. Mais tandis que le second n'a aucun mal à s'acclimater et met en place ses petites combines pour s'occuper joyeusement, le premier erre et s'embête.

Omar la Fraise
Omar la Fraise ©STUDIOCANAL

Dès qu'ils se retrouvent, leur relation fusionnelle fait des éclats. Elias Belkeddar propose des scènes tour à tour aériennes, où la photographie magnifie les paysages, puis brutales dès que les deux bandits se lâchent en boîte de nuit. Dans les deux cas, tous ces moments ne servent qu'à décrire leurs rapports passionnants et leur loyauté, filmés avec un style que l'on pourrait qualifier de poseur mais qui colle parfaitement aux protagonistes, à leur côté décalé et à la beauté de leurs interprètes, qui irradie l'écran.

Arrive ensuite le moment où Omar doit se trouver une occupation, "un business propre" pour aller de l'avant. Il accepte donc le poste de gérant associé d'une fabrique de pâtisseries. Une affaire légale qui tourne parfaitement, au sein de laquelle il va amener son tempérament d'enfant et surtout rencontrer Samia (Meriem Amiar, révélation du film), dont il tombe amoureux. Leur complicité et leur romance représentent à la fois une éclaircie et une porte de sortie inespérée pour l'anti-héros, et est surtout à l'origine de certaines des plus belles scènes du long-métrage, Meriem Amiar volant la vedette à ses deux partenaires et réussissant même à éclipser Benoît Magimel, pourtant monstrueux.

Omar la Fraise
Omar la Fraise ©STUDIOCANAL

De la vie à la mort

Samia donne une conscience à un grand enfant pour qui le crime a toujours payé. Mais Elias Belkeddar n'en fait pas seulement le stéréotype de la figure féminine salvatrice. Les deux duos finissent par ne former qu'un trio flamboyant et profondément attachant au cours de moments fugaces mais marquants, où la sensation de liberté qu'ont toujours recherchée les deux gangsters atteint son paroxysme. Forcément, après cette arrivée au sommet vient la descente.

Une chute où la gravité latente du long-métrage surgit une nouvelle fois avec brutalité. Omar et Roger s'étaient promis de rester ensemble jusqu'à la mort et le désenchantement que cette dernière provoque arrive dans un ultime acte où les cartes sont rebattues. Le tandem n'a logiquement pas le temps pour les regrets et accepte sa destinée jusqu'au bout, assumant les conséquences de leur existence criminelle.

Omar la Fraise
Omar (Reda Kateb) - Omar la Fraise ©STUDIOCANAL

Héritier de ScarfaceLes Affranchis ou encore Le Monde est à toiOmar la Fraise réussit à trouver sa propre voix dans le vaste paysage des films de gangsters. Une voix emplie d'humanité dans tout ce qu'elle a de magnifique et d'exécrable, et de paroles moqueuses qui ne cessent de narguer la Faucheuse en la regardant dans les yeux, comme si elle n'avait pas d'importance et qu'elle n'était de toute façon pas suffisamment puissante pour faire oublier l'amour et l'amitié.

Omar la Fraise d'Elias Belkeddar, en salles le 24 mai 2023. Le film a été présenté au 76e Festival de Cannes en Séance de Minuit. Ci-dessus la bande-annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.

Conclusion

Note de la rédaction

Drôle, tendre, brutal et bouleversant, "Omar la Fraise" est un très grand film de gangsters, porté par un magnifique trio d'acteurs. Un long-métrage dans lequel deux bandits marchent fièrement vers un destin tragique, sans jamais lui tourner le dos et en lui adressant leurs plus beaux sourires.

Note spectateur : 4 (1 notes)