CRITIQUE / AVIS FILM – Après « Okja », Bong Joon-ho revient avec « Parasite », à un drame familial et social dans lequel une famille pauvre tente de franchir la barrière sociale en devenant les domestiques d’une riche famille qui vient de remporter la Palme d'or au 72e festival de Cannes.
Voilà dix ans (depuis Mother) que Bong Joon-ho n'avait pas réalisé un film 100% coréen. Après s'être révélé au début des années 2000 avec le thriller Memories of Murder, puis le drame fantastique The Host, le cinéaste s’est dirigé vers un cinéma « plus occidental ». Du moins, en termes de production. Snowpiercer d'abord, son premier film en langue anglaise et avec Chris Evans dans le premier rôle, puis Okja se déroulant en grande partie aux États-Unis. Avec Parasite, il revient à une certaine simplicité (dans sa mise en scène) pour livrer grâce à une écriture remarquable probablement le plus grand film coréen de l'année, récompensé de la Palme d'or au 72e festival de Cannes.
Bong Joon-ho tape l’incruste chez les bourgeois
Tout commence par une famille coréenne. Une famille pauvre, qui vit dans un taudis, et dont le travail consiste à replier des boîtes à pizza pour qu'elles soient réutilisées. Mais pas de misérabilisme chez Bong Joon-ho, bien au contraire. Chez le cinéaste, c'est la solidarité de la famille qui prévaut toujours - même face à la créature de The Host. Et il sait rendre amusante une vie de misère, montrant les combines pour choper le wifi de la voisine, ou adoptant un regard presque tendre quand le soûlard du quartier vient uriner sur la devanture.
Pour se sortir de cette condition, Ki-taek (Song Kang-ho, toujours aussi bon chez le cinéaste), sa femme, son fils et sa fille, n'ont pas vraiment de solution. Comme pour tous, l’ascension sociale n’est pas chose aisée - Bong Joon-ho parle de la société coréenne mais cela s'applique facilement ailleurs. Il faudra l'intervention d'un ami du fils, qui le pistonne pour donner des cours d'anglais chez la riche famille Park. Une légère fraude de document, et le voilà enseignant pour l'adolescente Park. Puis, avec beaucoup de subtilité (et la crédulité de la mère), il parvient à faire entrer sa sœur comme professeure d'art pour le plus jeune, puis son père et sa mère. Bref, c'est toute la famille qui en un rien de temps devient les domestiques des Park. Cette première partie de Parasite, durant laquelle on suit les différents plans établis pour se débarrasser des anciens domestiques et prendre leurs places si convoitées, s'assume dans la comédie noire, populaire et intelligente, grâce à une écriture remarquable et un montage précis.
Si le film est hilarant, il est surtout porteur d'un message clair sur la lutte des classes, thématique souvent abordée par Bong Joon-ho. La famille de Ki-taek découvre une richesse inaccessible et est constamment, mais subtilement, ramenée à sa condition de pauvre. L'idée que le seul moyen de toucher à une forme de richesse est en devenant "l'esclave" des bourgeois est extrêmement forte. La force de Bong Joon-ho est alors de ne pas représenter la famille Park comme des riches antipathiques, mais, par des détails, on ne nous cache pas leur mépris, leur dégoût même, envers les pauvres et leur odeur reconnaissable. Des pauvres qui, on nous le répète, seront acceptés tant qu’ils sauront ne pas franchir la ligne. Mais alors qu'on pensait en rester là, Bong Joon-ho, qui jongle avec les genres avec brio, offre un rebondissement important. On n’en dira pas davantage pour ne rien gâcher, simplement que ce rebondissement permet d'abord de surprendre avec des éléments du thriller, voire du film de fantôme, avant de nous ramener à un drame familial touchant, où finalement tout n'est que survie pour la classe d'en bas.
Parasite de Bong Joon-ho, présenté à Cannes 2019, en salle le 5 juin 2019. Ci-dessus la bande-annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.