CRITIQUE / AVIS FILM – Dans son premier film "Paternel", Ronan Tronchot dresse le portrait attachant d’un prêtre à la découverte de sa paternité. Avec Grégory Gadebois, Géraldine Nakache et Lyes Salem.
Un père spirituel peut-il aussi être un père ?
Premier film de Ronan Tronchot, co-écrit avec Ludovic du Clary, Paternel est un petit bijou d’humanité et d’audace. Car, à l’instar du récent Magnificat, il n’est pas chose aisée d'aborder le sujet de la vie personnelle et intime des prêtres sans être contemplatif ou plaintif. Surtout dans le contexte actuel de crise que connaît l’Église. Déshérence des fidèles, manque de moyens, culte du secret et hiérarchie encore trop dogmatique, voire hypocrite, côtoient la nécessité absolue de l’Institution de vivre avec son temps. Et si les abus sexuels sont évoqués dans le film, ils le sont seulement du bout des lèvres par le biais de la Commission Sauvé, que peu de gens doivent connaître.
Dans un premier temps, les auteurs de Paternel réussissent parfaitement à faire adhérer le spectateur, croyant ou athée, au personnage de Simon. Il faut dire que le comédien Grégory Gadebois suscite une empathie immédiate. Il était déjà on ne peut plus crédible en cuisinier dans Délicieux, il est ici remarquable en prêtre dévoué à sa paroisse. Sa posture, ses gestes, sa voix, son regard, son phrasé emplissent la vérité de son personnage de lumière.
On le découvre ainsi en père Simon, confronté à Louise (Géraldine Nakache) avec laquelle il a eu une liaison lorsqu’il était séminariste. Submergée par la charge mentale, en détresse, la jeune femme est revenue vers lui des années plus tard. Sauf qu'elle n’est pas seule. Le résultat de ce que Simon nomme une erreur dans sa vie s’appelle Aloé (Anton Alluin) et a 11 ans. Un garçon espiègle et attachant, qui s’invite doucement dans la vie de Simon.
La bonne foi ne suffit pas toujours
La dynamique de la mise en scène entraîne brillamment le spectateur dans le tourbillon du quotidien du prêtre. À l’écoute de ses fidèles, les vivants comme les mourants, il les soutient et les aide à s’interroger. Grâce à la présence discrète d'Amine (Lyes Salem) et de Rozenn (Françoise Lebrun), sa vocation est toute dédiée au service de sa mission sacerdotale. Paternel montre alors très bien comment Simon, qui passe son temps à transformer les problèmes des autres en solutions, se retrouve face à un dilemme profond, qui fait écho à sa propre histoire. La métaphore de ses démangeaisons dans le cou, qui évoluent d’ailleurs au même rythme que ses questionnements, est appropriée. D’abord discrètes, elles se font de plus en plus visibles et dérangeantes, car Simon ne pourra bientôt plus rien cacher. Ni ces marques, ni Aloé.
Prendre une telle décision face à ce tsunami de nouvelles émotions est complexe. Simon doit-il avouer la vérité et prendre le risque d’être révoqué ? Et sinon, comment pourrait-il être un père pour Aloé tout en mentant à sa communauté, perdant ainsi sa figure d'autorité exemplaire ? A-t-il même le droit d’éprouver de la joie en la compagnie de son fils ?
Paternel interroge ainsi subtilement sur la foi, l’engagement, le pouvoir de la vocation et le célibat des prêtres. Mais aussi sur la responsabilité d’assumer le passé, les conséquences des choix imposés par d'autres et sur ce qui fait famille. Un film très émouvant, donnant à voir des prêtres modernes qui, malgré la sacralisation de leur fonction, n’en demeurent pas moins des hommes.
Paternel de Ronan Tronchot, en salle le 27 mars 2024. Ci-dessus la bande-annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.