Pendant ce temps sur terre : un drame intime de science-fiction vertigineux

Pendant ce temps sur terre : un drame intime de science-fiction vertigineux

CRITIQUE/AVIS FILM - Jérémy Clapin passe avec brio du cinéma d'animation à celui en prises de vues réelles, et livre une chronique d'une grande force poétique sur le deuil avec "Pendant ce temps sur terre", portée par une actrice formidable. Autant thriller de science-fiction que drame psychologique, ce film est d'une des plus belles surprises de l'été.

Un film de SF intimiste

La tête dans les étoiles et les pieds sur terre, quelque chose se passe dans le corps et le coeur d'Elsa (Megan Northam). Là-haut, dans l'immensité de l'espace, son frère astronaute a disparu. Sur terre, sa vie monotone d'aide-soignante dans un EHPAD nourrit son deuil inaccompli d'une triste solitude. À l'aube de sa vie d'adulte, c'est la mort de son frère qui l'écrase et l'immobilise. Pas de projet, pas de relations ou si peu, pas vraiment de passé et de futur... Jusqu'au jour où Elsa entend une voix. Une voix (Dimitri Doré) qui se donne comme celle d'une existence extraterrestre et qui lui propose un marché. Cette voix lui explique qu'"ils" peuvent faire revenir son frère, si elle leur apporte en échange d'autres "vies"...

Elsa (Megan Northam) - Pendant ce temps sur terre
Elsa (Megan Northam) - Pendant ce temps sur terre ©Diaphana Distribution

Après le merveilleux J'ai perdu mon corps, Jérémy Clapin réalise son premier long-métrage en prises de vues réelles, Pendant ce temps sur terre. Il ne quitte cependant pas entièrement le cinéma d'animation qui l'a révélé, puisque son nouveau film propose aussi quelques jolies séquences animées. Une continuité est donc à l'oeuvre, dans la forme mais aussi sur le fond, avec cette question fondamentale de l'absence. Qui est-on sans tout ou une partie de son corps ? Quelqu'un est-il vraiment mort (ou vivant) tant que la vue de son corps n'en donne pas une preuve ? En voulant sauver son frère de son destin indécis, Elsa veut-elle aussi décider du sien ?

La révélation Megan Northam

Megan Northam incarne Elsa, et dès son premier rôle principal au cinéma son charisme apparaît sans limites. Elle offre à Jérémy Clapin des cadres et des situations formidables. Au plus près de son oreille qui entend cette voix, dans ses yeux où se décrypte une foule de sensations. Elsa est charmante, elle est attentionnée, mais elle est aussi inquiétante et froide, et le deuil dont elle ne se défait pas se mue physiquement en une tension extrême qui contamine depuis son corps tout le film.

Pendant ce temps sur terre
Pendant ce temps sur terre ©Diaphana Distribution

Le corps et l'esprit traversés de contradictions, de désirs non-formulés et d'explosions, la jeune actrice est de quasiment tous les plans de Pendant ce temps sur terre, qui confie sa véracité globale à sa performance. Le pari est largement réussi, tant Megan Northam se révèle captivante. Et tout en captant la lumière, preuve de sa compétence à être entière sans égoïsme, elle permet aussi aux autres d'exister pleinement. À ce titre, mention spéciale pour l'actrice et danseuse Sabine Timoteo, toujours d'une intensité folle dans ses performances.

Un grand récit poétique d'initiation

Pendant ce temps sur terre est un vrai film de cinéma, et un excellent, parce qu'il ne pourrait pas être chose. Ni un livre, ni un tableau, ni une chanson, mais une oeuvre de cinéma dans laquelle les lumières et les sons constituent l'indicible et renversante sensation d'une histoire qui parvient à lier l'infiniment grand à l'infiniment petit, l'immensité de l'espace à la petitesse d'une vie sur terre.

Ce que traverse Elsa, le deuil douloureux de son frère et son passage par celui-ci à l'âge adulte, se comprend dans l'espace interstitiel situé entre sa vie réelle - en prises de vues réelles - et sa vie rêvée, dans les étoiles avec son frère, en séquences animées. Et cet espace, poétique et intangible mais bien sensible, sépare ces deux vies comme il souligne la tragique impossibilité de chacune.

Pendant ce temps sur terre se regarde, mais il doit s'écouter aussi, pour composer entièrement cet espace mental dans lequel il nous emmène. Il y a donc un formidable travail sur le son et sur la musique (Dan Levy), et à cet égard Pendant ce temps sur terre, en plus de l'écriture de son personnage féminin, résonne avec Under the skin de Jonathan Glazer.

Le film de Jérémy Clapin, très abouti dans ses images, l'est aussi dans l'émotion et le doute qu'il instille. Véritable histoire d'invasion extraterrestre ou évasion mentale d'une jeune fille terrassée par le deuil ? Film de science-fiction ou drame psychologique ? Pendant ce temps sur terre laisse ces deux perspectives exister ensemble, encadrées par une introduction dans l'espace et une conclusion au bord de l'océan : c'est bien un vertige spatial et intime, d'une force océanique, qui saisit devant ce très beau film.

Pendant ce temps sur terre de Jérémy Clapin, en salles le 3 juillet 2024. Ci-dessus la bande-annonce.

Conclusion

Note de la rédaction

Megan Northam rayonne dans le drame vertigineux "Pendant ce temps sur terre", quelque part entre l'aventure de science-fiction et le thriller psychologique, magistralement mis en scène par Jérémy Clapin. Un film impressionnant sur les plans visuel et sonore, et très émouvant sur la fable du deuil qu'il raconte. Brillant, et à voir sans hésiter.

Note spectateur : Sois le premier