CRITIQUE / AVIS FILM - Nicolas Cage surprend une fois de plus avec "Pig", premier long-métrage de Michael Sarnoski. Un faux revenge movie qui cache en réalité un drame intime autour du deuil.
Nicolas Cage surprend encore avec Pig
Nicolas Cage est peut-être l’acteur le plus difficile à définir. Quand on se penche sur sa carrière, on voit ses collaborations avec certains des plus grands noms du cinéma. De Scorsese à De Palma en passant par Coppola, Lynch, John Woo, Herzog, Ridley Scott, les frères Coen, et bientôt même le subversif Sono Sion. Une liste impressionnante au sein de cinq décennies de travail pour le comédien qui a eu l’occasion de tourner dans une centaine de films. Forcément, dans le lot, il ne peut pas y avoir que des chefs-d 'œuvres. Et c’est justement ça qui fascine.
Pour certains, Nicolas Cage a totalement vrillé. Pour d’autres, derrière cette image d’acteur halluciné souvent dans l’excès se révèle un pur génie. Reste qu’on ne peut qu’admirer son choix d’alterner entre nanars et vraies propositions artistiques avec toujours autant d'envie et de professionnalisme. Il n’y a qu’à voir en 2021. En début d’année, il était à l’affiche de Jiu Jitsu, film d’action logiquement passé directement par la case DVD. Quelques mois plus tard, on le retrouve aux antipodes avec Pig.
Bien que tout semble s’y prêter, pas de bastonnade ici. On découvre Nicolas Cage en ermite au milieu d’une forêt avec pour seule compagnie un cochon truffier. Des cheveux longs recouvrent son visage. Son hygiène semble plus que douteuse. Et il est physiquement plus imposant que jamais. C'est Rob. Il vit du strict minimum apporté par Amir (Alex Wolf) une fois par semaine en échange de ses truffes de qualité. Jusqu’au jour où Rob est attaqué et que sa truie est kidnappée. On s’attendait alors à ce que Pig nous offre une variante de John Wick et que Nicolas Cage se lance dans une vendetta ultra violente. Absolument pas. Et c'est tout à l'honneur du réalisateur Michael Sarnoski de ne pas tomber dans la facilité du revenge movie.
Un film noir autour du deuil
S’il souhaite retrouver son animal, Rob doit revenir en ville, et donc dans la société. Lui qui s’était isolé pendant 15 ans suite au décès de sa femme. Au fur et à mesure, le réalisateur nous dévoile le passé de ce personnage mystérieux, sous les yeux ahuris d’Amir. On comprend alors qu’avant son drame, il était une figure majeure du milieu culinaire. Un homme important, respecté pour ses talents de chef. C’est alors par son aura qu’il en impose. Nicolas Cage livre là une performance impressionnante, dans une retenue remarquable. Le regard noir et la voix dure, il ne répond pas par les poings. Préférant même encaisser les coups, et se baladant avec du sang séché sur le visage.
Un véritable ovni pour la société, comme en atteste cette superbe séquence dans un restaurant chic de Portland. Face à son ancien commis qui s’est mis à la cuisine moléculaire, Nicolas Cage se lance dans une tirade extrêmement pessimiste sur la civilisation. Il pointe la futilité des vies autour de lui, de gens qui n’existent même pas pour lui, qui, à l’image du plat devant lui, ne sont rien.
Cette vision sombre du monde s’explique évidemment par l’incapacité de Rob à faire le deuil de sa femme. Et s’il est si attaché à sa truie, c’est simplement qu’elle est pour lui un dernier être en vie. L’entendre dire qu’il veut retrouver son animal parce qu’il l’aime en devient déchirant. Pig parvient donc à toucher. Et ce en dépit d’une ambiance pesante qui plane tout au long du film. Le cinéaste surprend avec ce premier long-métrage, qui trouve toujours les mots justes et forts de sens, avec sûrement l’interprète le plus pertinent pour les prononcer.
Pig de Michael Sarnoski, en salle le 27 octobre 2021. Ci-dessus la bande-annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.