CRITIQUE / AVIS FILM - Après Matteo Garrone et avant Guillermo del Toro, le grand Robert Zemeckis s'empare de l'histoire créée par Carlo Collodi. Avec le live action Disney "Pinocchio", le réalisateur signe un film qui ne tient pas ses promesses d'évasion et de poésie, se contentant d'enchaîner mécaniquement des péripéties bien connues.
Pinocchio : un projet fait pour Robert Zemeckis
Après sa trilogie en motion capture (Le Pôle Express, La Légende de Beowulf et Le Drôle de Noël de Scrooge), Robert Zemeckis a continué de faire des merveilles avec les effets numériques. Des prouesses qui étaient toujours au service des histoires que le cinéaste racontait. Le réalisateur a par exemple reconstitué le World Trade Center et a réussi à retranscrire leur aspect vertigineux dans The Walk, en se penchant sur le pari fou du funambule Philippe Petit de passer d'une tour à l'autre sur un fil, sans la moindre attache.
Dans un élan romantique, il a ensuite enfermé Marion Cotillard et Brad Pitt au cœur d'une tempête de sable, scellant leur rapprochement dans le film d'espionnage Alliés. Son projet le plus audacieux et le plus impressionnant de ces dernières années reste probablement le superbe Bienvenue à Marwen, dans lequel Steve Carell donne vie à ses figurines pour tenter de se remettre d'une violente agression. Un drame où l'imaginaire et la réalité se rencontrent et qui rappelle la puissance salvatrice des récits.
Un long-métrage dont la mise en scène, mêlant des scènes intimes déchirantes à des moments de bravoure grisants, laissait penser que Robert Zemeckis était le cinéaste idéal pour le live action Pinocchio. Cette adaptation reprend la trame exacte du film d'animation de 1940, à quelques ajouts près comme une mouette prénommée Sofia, doublée par Lorraine Bracco. Et si la première partie donne le sentiment que le réalisateur n'a eu aucun mal à s'approprier le parcours initiatique du pantin de bois créé par Carlo Collodi, la suite ne parvient pas à provoquer l'émotion recherchée.
Un live action vidé de toute émotion
L'ouverture, durant laquelle Geppetto termine la fameuse marionnette sur le point de prendre vie grâce à la Fée Bleue (Cynthia Erivo), convoque d'emblée la tendresse et la nostalgie liée au long-métrage d'origine. Les murmures de Tom Hanks réussissent à faire naître un sentiment de mélancolie, tout comme son visage marqué par le deuil.
Mais très vite, quelque chose cloche. L'effondrement débute lorsque les coucous des horloges du menuisier se mettent à retentir, rendant hommage à de nombreuses productions Disney et Pixar comme Toy Story, La Belle au bois dormant et Qui veut la peau de Roger Rabbit. Une succession de plans certes sympathiques sur le moment, mais à travers lesquels Robert Zemeckis semble faire l'aveu qu'il n'est là que pour du recyclage et des clins d'oeil.
Les choses se gâtent lorsque le jeune héros doublé par Benjamin Evan Ainsworth part à l'aventure. Les péripéties s'enchaînent mécaniquement, de la rencontre avec Gédéon et le Grand Coquin (Keegan-Michael Key) au final en pleine mer. Jamais le spectateur n'est concerné par les malheurs du pantin certes animé mais complètement désincarné. Tous les personnages secondaires passent au second plan et sont sous-exploités, le film déroulant son récit à toute allure comme s'il était lui-même pressé de se terminer.
Un spectacle impersonnel
Il reste malgré tout des images sublimes, des jeux d'échelle avec lesquels Robert Zemeckis s'amuse comme il le faisait dans Sacrées sorcières, notamment grâce au personnage de Jiminy Cricket (Joseph Gordon-Levitt). Cela reste une bien maigre consolation au vu du talent du cinéaste. L'excursion sur Pleasure Island aurait pu donner naissance à des moments de malaise, à l'image par exemple de certaines scènes de Charlie et la chocolaterie (les deux versions), et mettre véritablement Pinocchio à l'épreuve, mais ce n'est pas le cas.
À l'arrivée, le pantin fait preuve de bonté, de courage et d'honnêteté sans même que le spectateur ne s'en aperçoive, tant le récit n'arrive pas à émerger dans ce déluge d'effets au service du néant. Contrairement à David Lowery avec Peter et Elliott le dragon, Robert Zemeckis n'apporte rien de personnel à Pinocchio. Un gâchis de la part d'un réalisateur qui a tant apporté aux blockbusters hollywoodiens, et dont l'inventivité, l'esprit subversif (Qui veut la peau de Roger Rabbit, La Mort vous va si bien) ainsi que la générosité ont ici totalement disparu.
Pinocchio de Robert Zemeckis, sur Disney+ dès le 8 septembre 2022. Ci-dessus la bande-annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.