CRITIQUE / AVIS FILM –" Pour l’honneur ", le dernier long-métrage de Philippe Guillard, aborde le sujet de l’intégration de demandeurs d’asile par le prisme joyeux des valeurs de solidarité du rugby. Avec Olivier Marchal, Mathieu Madénian et Tom Villa.
Les valeurs de l'ovalie défendues par "La Guille"
Sur le ton de la fable, avec la voix off l’entraîneur de rugby Daniel Herrero et une chanson finale inédite de Francis Cabrel, Pour l'honneur s’assume pleinement comme une comédie populaire. Dans son 5ème long métrage, le réalisateur Philippe Guillard (Papi-Sitter, J'adore ce que vous faites) revient à ses premières amours depuis Le Fils à Jo: le rugby. L’ancien joueur du Racing Club de France, surnommé « La Guille », évoque avec humour l’arrivée de sept demandeurs d’asile dans le petit village de Tourtour-les-Bains. Et raconte comment les villageois vont leur faire découvrir avec un plaisir communicatif les règles, les expressions et les valeurs du rugby.
Pour l’honneur pousse parfois la démonstration un peu loin dans sa mise en scène, comme une allégorie du rugby : la solidarité et la générosité sortent toujours gagnants face aux préjugés et au racisme. Afin d'être happé par le propos, il est conseillé au spectateur de ne pas être trop regardant. Ni sur les personnages présentés comme très gentils et sans défauts, ou au contraire pas du tout sympas et avec beaucoup de défauts. Ni sur le choix de Philippe Guillard et de son coscénariste Éric Fourniols de tout opposer de façon simpliste.
Pour l’honneur réussit à donner au spectateur l’impression de faire partie de la vie tranquille et humble des habitants, qui ont parfois oublié que leurs descendants étaient des immigrés espagnols ou italiens. Ils s'impliquent davantage dans la guerre de clochers contre leurs voisins de Trocpont-sur-Tescou, qu'ils livrent par le biais de leurs clubs de rugby respectifs. Le réalisateur se moque gentiment de cette rivalité historique entre les familles Bianconi à Trocpont et Lalanne à Tourtour. Encore plus forte en cette année du centenaire du derby détenu depuis des lustres par Trocpont.
Le rugby comme solution magique aux demandeurs d'asile
François Lalanne (Tom Villa) est un jeune loup aux dents longues revenu, après ses études en école de commerce, diriger l’usine en l’absence de son père (Patrick Sébastien). Il manigance avec son directeur financier Christophe Gantzer (Geoffroy Thiebaut), dont le propre fils joue dans l’équipe adverse entrainée par Marco Bianchoni (Olivier Marchal). Pris entre deux feux, le jeune Kevin n’apprécie guère l’arrivée dans l’équipe de Jawad (Sâm Mirhosseini), l’un des migrants. Le réalisateur semble d’ailleurs avoir porté une attention attendrie sur les relations père-fils dans le sport, puisqu’il aborde avec perspicacité les attentes de performance de Marco jamais remplies par son fils Matteo (Paco Fuster).
Le village sera d’abord divisé puis fera preuve de solidarité, grâce à l’enthousiasme (un peu surjoué) de la femme de Marco, Anabella (Olivia Bonamy) et de la responsable de l’association d’entraide, Camille (Camille Aguilar). Car Pour l’honneur donne à voir de quelle manière le talent dans le sport de trois des sept migrants leur permet de se faire aussi une place en France. Grâce à une (très) brève remarque de Camille, le film offre aussi la possibilité au spectateur de ne pas considérer le fait d'être utile dans un village comme seul facteur d’intégration.
Ainsi Jawad, Salifou (Saabo Baldé) et De Gaulle (Claude Musungayi) apprendront à aimer le jeu grâce aux explications nébuleuses et souvent métaphoriques de Marco, mais aussi d’Emilie (Solène Hébert), institutrice et joueuse elle-même. Et Pour l’honneur suscite de nombreux rires en opérant un judicieux renversement de regards éberlués des migrants maliens, ivoiriens, afghans, congolais ou syriens sur les traditions françaises.
Les nombreux personnages secondaires du film sont plutôt savoureux, tels celui de la maire qui passe son temps à régler des conflits ou Norbert (Philippe Duquesne) qui se laisse mener le bout du nez par son épouse. Mais le plus drôle est indéniablement Dédé (Mathieu Madénian), co-entraîneur pleutre et faire valoir de Marco.
Malgré quelques clichés et facilités scénaristiques, Pour l’honneur se révèle donc un conte bon enfant qui porte un regard sans prétention sur le rôle positif du sport dans la société, ainsi que sur les traumatismes et le courage de ceux obligés de quitter leur pays.
Pour l’honneur de Philippe Guillard, en salles le 3 mai 2023. Ci-dessus la bande-annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.