CRITIQUE FILM - De retour au cinéma, "Prince des Ténèbres" est l'un des films les plus effrayants du Maître de l'horreur. Tourné après l'échec commercial des "Aventures de Jack Burton dans les griffes du mandarin", le long-métrage nous confine au coeur d'une vieille église de Los Angeles hantée par un mal invisible et mystérieux qui décime peu à peu tous les personnages qui l'approchent.
Après Halloween, la nuit des masques et Fog, Prince des Ténèbres est le troisième film de John Carpenter à ressortir au cinéma en cette fin d’année. Dans ce long-métrage à ranger parmi les plus effrayants de Big John, un groupe de scientifiques se réunit à l’intérieur d’une église à la demande d’un prêtre.
Au sous-sol de cette bâtisse datant du XVIe siècle se trouve une mystérieuse cuve dans laquelle tournoie un liquide verdâtre qu'ils sont chargés d'analyser. Peu à peu, les scientifiques sont attirés par ce liquide et se font décimer les uns après les autres. Les membres restants de la petite équipe comprennent peu à peu que le sort de l’humanité est entre leurs mains.
Un condensé du meilleur de John Carpenter
Tourné un an après l’échec commercial de l’excellent Les aventures de Jack Burton dans les griffes du mandarin, Prince des Ténèbres prouve une nouvelle fois que John Carpenter peut faire énormément avec un budget restreint, ici de 3 millions de dollars.
Le réalisateur concentre l’essentiel de son long-métrage à l’intérieur et autour de la petite église située à Los Angeles. Comme dans Assaut et The Thing, les personnages vont peu à peu se retrouver confinés dans le bâtiment afin de survivre. Alors que les scientifiques se retrouvent possédés par une entité démoniaque, des sans-abris menés par le rockeur Alice Cooper se regroupent à l'extérieur et les empêchent de sortir. Certains plans nocturnes terrifiants où le spectateur les découvrent alignés rappellent ainsi le western postmoderne que le cinéaste signait en 1976.
Les notions de paranoïa et de menaces invisibles mais omniprésentes seront une nouvelle fois au centre du récit, à mesure que les scientifiques se transforment un à un en suppôts de Satan. Pour s’en sortir, les chercheurs vont devoir réévaluer leurs croyances, à l’image du prêtre incarné par l’excellent Donald Pleasence, encore plus halluciné que dans Halloween, la nuit des masques.
En s'attardant sur un mal à la fois indescriptible mais redoutable, invisible mais répugnant, John Carpenter convoque à nouveau l’univers de Lovecraft. Le portail vers l’autre monde dans lequel est enfermé le fameux prince des ténèbres, qui attend patiemment sa renaissance sur Terre, préfigure d’ailleurs L’antre de la folie, autre hommage à l’auteur.
Prince des Ténèbres s'impose ainsi comme un condensé de nombreux éléments de la filmographie de John Carpenter. Nouvelle variation autour du mal, le long-métrage est probablement l'un de ceux avec lequel le réalisateur le présente de manière la plus terrifiante. À mesure que le film avance, les espoirs du spectateur s'effondrent tant le pouvoir du prince des ténèbres est sans limite. La fin ouverte est d'ailleurs l'une des plus sombres et désabusées de la carrière fascinante de Big John, que l'on sent totalement déçu par l'échec commercial injuste de la pantalonnade qu'est Jack Burton, qui n'a en revanche pas entaché sa créativité.
Une redoutable efficacité
Prince des Ténèbres est par ailleurs l’une des oeuvres de John Carpenter au rythme le plus effréné, ce qui renforce parfaitement la notion d’urgence quant à l’arrivée imminente de Satan sur Terre. Ici, le cinéaste ne prend pas le temps de dépeindre un environnement paisible qui va peu à peu être perturbé par le mal, comme c'est par exemple le cas dans Halloween et The Thing. Dès l'introduction, qui s'ouvre sur la mort d'un prêtre, le spectateur comprend que l'horreur est déjà là, même s'il n'a absolument pas conscience de sa nature.
Le mystère préservé autour de l'intrigue et son évolution inattendue en font également l'un des films les plus effrayants de Big John. Dans Fog, les fantômes étaient d'emblée nommés par le vieux loup de mer qui racontait une légende urbaine aux enfants. Ici, les agissements de l'entité contenue dans la cuve pour contaminer et tuer ne cessent de provoquer la surprise et surtout l'horreur. Les effets gores s'accentuent au fil du long-métrage et Carpenter confirme après The Thing qu'il est l'un des meilleurs pour filmer des corps littéralement pourris par l'entité qui les possède.
Enfin, le sens de l'ellipse du Maître de l'horreur se fait parfaitement sentir dans Prince des Ténèbres. L'introduction du film semble expéditive mais l'objectif est d'enfermer le plus rapidement possible le spectateur dans l'église. Après avoir présenté ses personnages en quelques scènes qui en disent suffisamment sur eux, ainsi que le regroupement naissant des sans-abris, John Carpenter ferme les portes de la bâtisse. Cette manière d'aller à l'essentiel rappelle à quel point le cinéaste est un conteur hors-pair mais amplifie surtout le sentiment de claustrophobie ambiant. Pessimiste, violent et évoquant de nombreuses thématiques à commencer par le fanatisme religieux, Prince des Ténèbres est une oeuvre dont la modernité surprend encore, et qu'il serait dommage de ne pas revoir en salle pour être envahi de frissons mémorables.
Prince des Ténèbres de John Carpenter, en salles le 28 novembre 2018. Ci-dessus la bande-annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.