CRITIQUE FILM - On avait laissé la famille Verneuil au mariage de la cadette. On la retrouve dans "Qu’est-ce qu’on a encore fait au Bon Dieu ?" plusieurs mois plus tard. Mais cette fois, c'est du côté des gendres et de leur rapport à la France que s'intéresse cette suite de la comédie à succès de 2014.
Les familles Verneuil et Koffi de Qu’est-ce qu’on a fait au Bon Dieu ? s'étaient réconciliées au mariage de Laure (Élodie Fontan) et Charles (Noom Diawara). Les patriarches s’étaient même découvert des affinités communes, et chacun avait fait un pas vers l’autre tout en gardant certains principes conservateurs irrécupérables. Claude (Christian Clavier) et Marie (Chantal Lauby) s’étaient engagés à visiter les familles de leurs gendres. C’est au retour de ce périple éprouvant physiquement et culturellement que nous les retrouvons quelques mois plus tard, dans Qu’est-ce qu’on a encore fait au Bon Dieu ?
Tout est dans le "encore". Claude et Marie estiment avoir bien assez dégusté et fait preuve de suffisamment de tolérance envers les mariages mixtes de leurs filles. Ils n’aspirent désormais qu’au repos. Claude est à la retraite et se lance dans la biographie d’un improbable écrivain du coin, quand Marie s’investit dans les bonnes œuvres du curé de la paroisse. Le réalisateur Philippe de Chauveron en profite pour relancer, l’air de rien, le sujet des migrants qu'il avait déjà abordé dans À bras ouverts. Et il se moque à nouveau de l'étroitesse d’esprit de Claude qui s'enlise dans le cliché du migrant terroriste.
Mais le film s'intéresse surtout aux gendres, qui se sont associés dans l’affaire de David (Ary Abittan). Il vont perdre leurs billes et leur confiance mutuelle car David est toujours aussi mauvais en idées et en business. Rachid (Medi Sadoun) se retrouve bien malgré lui identifié comme un avocat communautariste et se désespère de n'attirer dans son cabinet que ces clients particuliers. Chao (Frédéric Chau), banquier de plus en plus paranoïaque, ne se sent lui plus en sécurité nulle part. Quant à Charles, les propositions qu’il reçoit pour ses rôles au théâtre sont de plus en plus ciblées en fonction de sa couleur de peau.
Vous l’aurez compris, autant le premier volet traitait des préjugés racistes d’un couple bourgeois français, autant ce deuxième volet est orienté sur les difficultés croissantes des gendres à ne plus se sentir à leur place en France. Qu’est-ce qu’on a encore fait au Bon Dieu ? met assez intelligemment en évidence le propre ressenti du racisme par le prisme des gendres. Si certaines références, comme #balancetonporc ou la fermeture des voies sur berge parisiennes ancrent tout à fait le film dans la réalité de 2019, d’autres sont quelque peu dépassées.
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Les gendres ne voient donc pas d’autres solutions que de quitter leur pays et parviennent à convaincre leurs épouses. Certaines sont même plus motivées qu’eux, telle Odile (Julia Piaton) qui apprend l’hébreu pour pouvoir s’installer en Israël. On est par contre moins convaincu par les arguments peu crédibles développés par Rachid pour convaincre Isabelle (Frédérique Bel) de partir en Algérie ou par ceux de Chao envers Ségolène (Émilie Caen) pour partir en Chine.
Le réalisateur et son co-scénariste Guy Laurent ont évidemment choisi de montrer les conséquences de ces désertions sur le couple Verneuil, avec quelques envolées comiques. Il est toutefois regrettable que la réaction du couple arrive aussi tardivement dans le film, qui de fait manque un peu de rythme. Mais ce qui semble complètement assumé à propos de ce couple chrétien, c’est que ce n’est pas forcément la charité qui l'étouffe. Car on ne connaît pas la véritable raison qui le pousse à déployer autant de moyens pour faire changer d'avis leurs gendres. Est-ce parce que Marie et Claude sont tristes de ne bientôt plus voir leurs filles et leurs petits-enfants ? Ou est-ce parce que les deux sont véritablement choqués que les gendres n’aiment plus la France et ne sentent plus français ?
Toujours est-il que le film est plutôt malin, il offre la possibilité au spectateur de s’interroger tout en riant sur le sentiment d’appartenance à un pays, le patriotisme et finalement l’identité française. Et également sur l'idée, souvent fausse, que l'herbe est toujours plus verte ailleurs. Pourtant, la chute de Qu’est-ce qu’on a encore fait au Bon Dieu ? aurait mérité d'être franchement moins sexiste et conservatrice. C’est bien beau de déconstruire certains préjugés, mais ce n'est pas très utile si les plus anciens ne tombent pas.
Enfin, le film effleure la thématique de l’homosexualité, du mariage pour tous et de l'homophobie par le biais d'André Koffi (Pascal NZonzi). Mais à trop vouloir aborder de sujets délicats, on noie inutilement le spectateur. Car ce qui intéresse, ce sont finalement les excuses habituelles et désopilantes du couple Verneuil et non de la famille Koffi, pièce rapportée. Divertissant et surfant sur l’air du temps, Qu’est-ce qu’on a encore fait au Bon Dieu ? se révèle une suite honnête du premier volet et offre des retrouvailles sympathiques avec tous les protagonistes.
Qu'est-ce qu'on a encore fait au Bon Dieu de Philippe de Chauveron, en salle le 30 janvier 2019. Ci-dessus la bande-annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.