CRITIQUE FILM – Sobrement intitulé "Quincy", ce documentaire sorti sur Netflix en septembre 2018 dresse le portrait de Quincy Jones. Un portrait éminemment intime, puisque dressé par la fille du musicien / producteur / compositeur : une plongée dans sa légendaire carrière, mais aussi dans sa vie …
Quincy Jones a une grande famille, au sens propre comme au figuré. Père de sept enfants, et six fois grand-père, il considère Ray Charles comme son frère et Michael Jackson comme son fils. Quant à ses petits-enfants spirituels, de nombreux artistes américains actuels, qu’ils fassent de la pop, du jazz ou du rap, peuvent le considérer comme unes des plus importantes figures musicales des soixante dernières années. Cerveau derrière Thriller, l'album le plus vendus de tous les temps, il peut se targuer d'avoir composé plus de 1000 musiques et une cinquantaine de bandes-originales. Impossible d'en dresser une liste exhaustive en deux heures, mais là n'est pas le but du documentaire Quincy.
On a beau savoir que l'artiste a été un collaborateur incontournable d’innombrables musiciens, on ne cesse de s’étonner en les voyant défiler, ou simplement être évoqués. Certaines grandes voix (du passé) viennent ainsi témoigner sur la vie de leur ami, tels Ray Charles ou Sinatra. Mais c’est avant tout l’être humain que cherche à nous faire voir le documentaire, sans pour autant renoncer à l’élégie. Comme on peut s'y attendre, on ne s'attarde pas sur d'éventuelles zones d'ombre, mais après tout, il aurait été difficile de ne pas faire les louanges de l’immortel Quincy !
27 Grammy Awards et une vie bien remplie
Immortel, mais pas infaillible : on nous le présente dès les premières minutes sur son lit d’hôpital, ayant frôlé la mort pour avoir trop abusé de la bouteille. Des images qui paraissent un peu déplacées, trop intimes peut-être, mais qui prennent tout leur sens dans la suite : elles servent à raccorder le présent au passé, le brave Quincy ayant déjà fait des attaques assez graves dans les années 1970. De sa jeunesse à ses multiples mariages, il n'hésite pas à raconter sa tumultueuse vie.
Pendant deux heures, les deux réalisateurs (sa fille, Rashida Jones donc, et Alan Hicks) ne cessent ainsi de faire des allers-retours entre le jeune Quincy Jones, qui devient de plus en plus connu, et l’octogénaire qui continue d’avoir des dizaines de projets. Et si les images d'aujourd'hui sont assez fades, sans grandes recherches esthétiques, il y a une certaine classe dans les documents d’époques : photos, interviews, et même films familiaux sont mis au service du récit. Bien entendu, niveau musique, c'est un régal : une dizaine de morceaux composés ou produits par Quincy, toutes époques confondues, viennent accompagner ces images. Le documentaire bénéficie ainsi d'une grande richesse, et on ne peut que saluer les monteurs qui rendent le tout lisible, et passionnant à suivre.
Ainsi, un des gros points forts de Quincy est de dresser un portait intime de son protagoniste. On n’hésite pas à explorer son histoire privée, que ce soit concernant sa difficulté à être présent en tant que mari (travail oblige), ou sa détermination à être un bon père. Surtout, le fantôme de la mère surgit tout au long de ce portrait, comme une explication – peut-être pas nécessaire - aux traumas de l’homme, et donc de l’artiste. Heureusement, ce portrait intime cohabite sans aucun mal avec le portrait artistique, auquel s’ajoute discrètement une carrière politique et humanitaire.
En fil conducteur, on retrouve ainsi la préparation de l’ouverture, en 2016, d’un musée de l’Histoire des Afro-américains, à Washington D.C. Si on commence en remarquant avec amusement que Quincy Jones invite Will Smith et Barack Obama en un claquement de doigts, on finit sur une note beaucoup plus mélancolique. Face aux vitrines du musée, l’octogénaire ne peut s’empêcher de verser quelques larmes. Car il se rend compte, et nous aussi, qu’il a côtoyé les plus grands noms de cette Histoire afro-américaine, tout en étant lui-même un des acteurs…
Qunicy de Rashida Jones et Alan Hicks, disponible sur Netflix le 21 septembre 2018. Ci-dessus la bande-annonce.