CRITIQUE FILM - Présenté hier dans la section Un Certain regard, « Rafiki » de Wanuri Kahiu, premier film Kenyan de l’histoire en sélection officielle à Cannes, met en scène l’histoire d’amour compliquée entre deux jeunes femmes de Nairobi.
Kena, dans l’attente de ses concours d’infirmière, aide son père qui tient une boutique dans son quartier, lui aussi dans l’attente des élections locales, auxquelles il s’est porté candidat. De l’autre côté, Ziki, issue d’un milieu social plus aisé, est la fille du concurrent de son père. Kena est une jeune femme timide, qui se cherche, un poil garçon-manqué. De l’autre côté, Ziki dispose d’une pleine confiance en soi : elle danse dans la rues avec ses deux camarades. Lors de ses chorégraphies, où lorsqu’elle exhibe ses tresses multicolores, Kena ne peut cacher sa fascination, si bien que Ziki, captant son regard, s’en rapprochera très vite. Débute alors une relation amoureuse menacée par le regard d’une société au sein de laquelle l’homosexualité reste encore, en 2018, punie par la loi.
Une jeune fille qui roule sa bosse sur une planche de skate. Un générique en mode arts plastiques et collage de pastilles jaunes sur des portraits découpés aux ciseaux. Kenya ou pas : on se verrait bien dans un skate-park en Californie dès le début de ce Rafiki. En inscrivant d’entrée de jeu son premier long-métrage dans la lignée des coming-of-age movies labellisés Sundance, Wanuri Kahiu déçoit. Assisterait-t-on, malgré le buzz médiatique après la censure du film au Kenya, à une énième mouture de cinéma indépendant américain transposé dans un ailleurs paradoxalement similaire ?
Un certain refrain
Ce ne sont pas la romance à l’eau de rose entre les deux jeunes filles ou l’opposition de leurs trajectoires, surlignée par l’affrontement politique auxquels se livrent leurs pères respectives ou par des motifs visuels (cheveux roses et long/cheveux brun et courts), qui finissent par se résoudre en deux temps trois mouvements, qui nous fera pas dire le contraire. Les séquences clipées, montées sans panache, enfoncent assez vite le clou dans ce sens. Et au fur et à mesure que le film dévoile ses mécaniques narratives, en mettant volontairement les habituels bâtons dans les roues de l’histoire d’amour des deux adolescentes (hostilité de la société et rapport de classe), tous les artifices, aussi colorés soient-ils, finissent par se noyer dans la mélasse floutée et convenue d’une mise en scène très scolaire.
On se dit, au fond, que Rafiki n’avait pas besoin de surligner à ce point ses propres enjeux pour déployer sa petite idylle malmenée par l’intolérance du monde. Wanuri Kahiu, au contraire, surcharge son récit d’une tonne de couches inutiles. Un ami de Kena relou qui ne supporte pas qu’elle lui échappe. Un autre qui insulte bêtement le premier « pédé » qu’il aperçoit en l’insultant. Encore une autre, cette-fois de Ziki, qui n’accepte pas que sa meilleure amie passe son temps libre avec quelqu’un d’autre. Tout ça fait un peu beaucoup pour un film aussi court. En moins d’une heure et demi, entre deux répétitions de conflits, on finit même par regarder sa montre.
Rafiki de Wanuri Kahiu, présenté à Un Certain regard à Cannes, sortira prochainement en salle.