CRITIQUE FILM - Le réalisateur Pierre Godeau s'attaque à un classique de l'œuvre de Sempé et propose avec "Raoul Taburin", l’histoire d’un petit garçon devenu grand sans savoir faire du vélo, un film honnête sur l'innocence (et sa fin), la transmission et... Le vélo.
Raoul Taburin a un secret. Ce secret, il le portera (presque) toute sa vie. C'est l'un des quelques sujets abordés dans cette adaptation cinématographique totalement inédite d'une partie moins "mainstream" de l'œuvre de Jean-Jacques Sempé. Dirigé par le jeune cinéaste Pierre Godeau, le film, qui porte le nom de son héros et qui est porté par le passionnant et passionné Benoît Poelvoorde, tire ses ficelles de mimiques typiques de la BD, mais demeure toutefois un moment agréable de cinéma.
Partant d'un a priori biaisé - la bande-annonce ne donnait pas forcément envie et le synopsis semblait alambiqué - Raoul Taburin s'apprécie néanmoins grâce à sa teneur effervescente. En à peine 1h30, le film dépeint des personnages tous aussi excentriques et parfois même attachants, en alternant les époques et ainsi le sens du rythme. Godeau a eu la bonne idée de raconter la vie de ce pauvre Raoul en partant de l'enfance, pour ensuite s'attarder plus longuement sur son adolescence (sous les traits de Victor Assié).
La plus grosse partie du film, qui se déroule au présent, est d'abord portée par un trio d'acteurs remarquable. Outre Poelvoorde - comme d'habitude impeccable - le trop rare Edouard Baer s'offre un rôle de photographe tout en nuance, non loin d'une Suzanne Clément (dans la peau de Madeleine, la femme de Raoul) dont le fleurissement de carrière au sein du cinéma français est un véritable bonheur. Avec ce beau casting, Pierre Godeau propose un film où toutes les générations sont les bienvenues. Même si dans le monde de Raoul Taburin, il y a plus de rêve(s) que de réalité.
L'envol du bicycle
Qu'on se l'accorde, le film n'est pas porté par des enjeux de taille. À vrai dire, ce n'est sûrement pas le cadet de ses soucis. Il préfère s'attarder sur le profil psychologique des personnages (un peu comme le photographe campé par Baer, qui travaille un recueil de portraits). Là-dessus, il n'y a presque rien à redire ; le public s'attache, s'exclame, rit un peu. Empreint d'une certaine légèreté, Raoul Taburin se laisse du mou dans le fond pour ainsi travailler sa forme, son exécution.
La réalisation de Godeau, très soignée, est baignée dans une photographie solaire, réconfortante. Grâce notamment à son décor ; les magnifiques paysages de la région Auvergne Rhône-Alpes participent à ce dépaysement. On est propulsé dans un village maintenu dans le temps, qui avance à sa vitesse (on ne sait même pas à quelle époque le film se situe.) Et de ce point de départ, Godeau peut tout se permettre : une pirouette totalement incroyable à vélo, une séquence de rêve plutôt bien trouvée, et surtout il fait passer un joli message quant à la transmission du savoir, de la personnalité et de la confiance en soi. On est déjà tous tombés à vélo, cela n'a empêché personne de se relever !
Raoul Taburin de Pierre Godeau, en salle le 17 avril 2019. Ci-dessus la bande annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.