CRITIQUE AVIS / FILM - Woody Allen est de retour en Espagne avec "Rifkin's Festival". Une comédie dans laquelle un ancien professeur de cinéma erre dans Saint-Sébastien pendant un festival, et fait un triste constat sur son existence...
Rifkin's Festival : une errance espagnole
Quatorze ans après Vicky Cristina Barcelona, Woody Allen pose de nouveau ses caméras en Espagne avec Rifkin's Festival. Dans son précédent film porté par Scarlett Johansson, Penélope Cruz et Javier Bardem, le réalisateur s'était penché sur un triangle amoureux à Barcelone. Ici, il s'installe à Saint-Sébastien pour se concentrer sur l'ennui et l'errance de Mort Rifkin (Wallace Shawn).
Ancien professeur de cinéma, le personnage accompagne sa compagne Sue (Gina Gershon) au Festival international du film organisé chaque année dans la ville. Attachée de presse, cette dernière doit s'occuper de Philippe (Louis Garrel), un jeune cinéaste français particulièrement arrogant. Mort les soupçonne très vite d'avoir une liaison. Cette relation ambiguë va le pousser à prendre du recul sur sa vie. Angoissé et en proie à des cauchemars, il va subir une crise existentielle où ses souvenirs se mêleront à des passages emblématiques de classiques européens.
Paniqué, Mort va demander de l'aide au docteur Jo Rojas (Elena Anaya) et tomber sous son charme. Cette rencontre va lui permettre de respirer, mais risque néanmoins de rendre le retour à la réalité encore plus compliqué...
La romance laisse place à l'amertume
En 2019, malgré le ciel couvert de Manhattan, Woody Allen fait preuve d'optimisme avec Un jour de pluie à New York, en particulier au cours des dernières minutes où il se laisse aller à un romantisme exacerbé. Le constat final n'est pas aussi lumineux dans Rifkin's Festival, et les éclaircies espagnoles n'y changent rien. Le long-métrage n'est pas le plus méchant de son auteur, ni le plus sarcastique ou le plus dramatique. Néanmoins, il dégage un sentiment de résignation complètement accepté et qu'il ne cherche absolument pas à rejeter.
Qu'il s'agisse de ceux de Meurtre mystérieux à Manhattan, de Whatever Works ou du désenchanté Le Rêve de Cassandre, les personnages de Woody Allen ont souvent envie de démêler des situations, de croire en l'impossible ou d'améliorer leur condition. Et même si rien de tout cela n'arrive, les tentatives sont là. Dans Rifkin's Festival, l'enseignant à la retraite ne croit plus en l'avenir de son couple et assiste à sa chute avec passivité. Il ne croit pas en non plus en une liaison avec Jo Rojas, même s'il la fantasme.
L'absence de combativité qui émane du film le rend aussi sombre que Blue Jasmine et L'Homme irrationnel, même s'il est exempt de violence. Le spectateur peut tout de même s'accrocher à quelques jolies séquences comme celle d'un pique-nique en plein air, un coup de téléphone touchant ou le triste constat de la conclusion, qui rappelle que le renoncement peut aussi être beau.
Un hommage caricatural aux classiques européens
S'il semble fatigué et ne plus croire en grand-chose, Woody Allen n'a visiblement rien perdu de sa passion pour le septième art. Dans un noir et blanc hasardeux, avec la simplicité qui le caractérise, le cinéaste se réapproprie de manière volontairement caricaturale des scènes de ses classiques. Christoph Waltz remplace ainsi Max von Sydow dans le rôle de la Mort après Le Septième sceau. Louis Garrel, Wallace Shawn et Gina Gershon rejouent par ailleurs la course de Jules et Jim.
Mais si le réalisateur rend hommage à Ingmar Bergman, François Truffaut mais aussi Jean-Luc Godard, Federico Fellini, Claude Lelouch et Luis Buñuel, le cinéma ne permet pas pour autant le salut du protagoniste. Il n'est que l'expression de ses craintes, de ses traumatismes et de ses angoisses. Une preuve supplémentaire que Woody Allen se sent apparemment trop vieux pour ces conneries...
Rifkin's Festival de Woody Allen, en salles le 13 juillet 2022. Ci-dessus la bande-annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.