Sorti le 13 mars sur les écrans "Rosie Davis", évoque une question d’actualité, la situation décrite est très forte et respire la réalité. Mais l’inconvénient est que le film montre plus qu’il ne raconte.
Rosie Davis montre une réalité sociale terrible, vécue par une famille modeste d’aujourd’hui à Dublin. La situation exposée par le film transpire la sincérité et la véracité.
Le jeu des acteurs est très bon et touchant. Malheureusement, le film souffre de son concept et de son choix de narration, qui ne lui permettent pas d’atteindre pleinement son but.
Rosie Davis relate l’histoire d’une jeune femme, de son compagnon et de ses quatre enfants, alors qu’ils viennent de perdre leur maison et qu’ils sont contraints de trouver une solution dans l’urgence.
Une plongée dans une réalité sociale alarmiste
Le film démarre immédiatement dans la voiture de Rosie Davis avec ses quatre enfants, celle-ci appelle des hôtels pour passer la nuit. Ainsi, le film fait entrer le spectateur directement dans l’action, montrant de la sorte le désarroi et la brutalité de cette réalité. Rosie et son compagnon, John, se retrouvent isolés sans grand aide et presque dans une indifférence cruelle.
Cette situation montre aussi un aspect extrêmement intéressant, celle-ci est vécue comme une honte par Rosie et John et pas du tout comme une indignation. Sans jamais en parler, ils donnent l’impression que ce sont eux les fautifs, tout du moins qu’ils sont les seuls. Ils ne se battent pas pour récupérer leur maison, mais cherchent juste à ne pas dormir dans la rue avec leurs enfants.
La loi de l’argent en filigrane
Pendant ce que son compagnon travaille comme plongeur, Rosie Davis vit dans sa voiture avec ses enfants essayant d’appeler une liste d’hôtels. Cette situation terrible l’est d’autant plus qu’elle est vécue par les protagonistes comme quelque chose qui peut arriver et qui n’est pas une exception. Le vrai thème du film est le déclassement, et le drame est qu’il peut toucher une famille avec des enfants presque dans l’indifférence.
La force réside également dans ce qui n’est pas dit. Rosie et son compagnon ont perdu leur maison. Leur situation montre indéniablement qu’ils l’ont perdue pour des raisons financières. Dans le film, ils ne se battent pas pour la conserver ou la récupérer, ils ont accepté l’idée de ne plus y vivre. Mais en plus, le manque d’argent constitue une honte qu’il faut dissimuler aux autres à tout prix. Même le fait de dormir dans leur voiture.
La non-évocation de l’argent donne toute sa force à celui-ci, car Rosie et son compagnon acceptent ses règles, aussi injustes soient-elles.
L’argent se dissimule derrière chaque problème que rencontre Rosie, lorsqu’elle appelle des hôtels et leur dit que les nuits seront réglées par la mairie, leur maison qui est perdue et leur crédit de téléphone qui est limité.
Des acteurs justes et touchants
Sarah Greene (Rosie) incarne parfaitement une jeune femme issue de la classe moyenne. Elle donne à voir un personnage très identifiable. Ce qui donne toute la véracité à son rôle, est aussi le poids de son éducation, qui est parfaitement ressenti. C’est une jeune femme qui a eu son premier enfant jeune et qui n’a pas pu suivre des études. Sa fierté réside dans le fait de s’en sortir seule, sans l’aide de personne.
Son compagnon, John Paul, interprété par Moe Dunford, transmet les mêmes choses. L’importance du travail, la volonté de faire passer cette obligation devant le reste. Sa volonté de cacher ses problèmes à son patron, même à tort, car lorsque John est face à un problème majeur, son patron, non seulement, le libère, mais l’aide. Il y a chez John comme chez Rosie une fierté de classe sociale.
Les enfants sont extrêmement touchants sans jamais parler de la situation, mais en la comprenant par des petites choses de leur quotidien : une remarque d’une élève à l’école, un besoin naturel ou encore un jouet.
Un sentiment d’inachevé
Rosie Davis pose une question de cinéphile et de dramaturge. Une situation tirée de la réalité est-elle plus forte qu’une histoire structurée, plus classique, mais inspirée de la réalité ? Pour votre humble serviteur, qui est adepte de l’écriture scénaristique, la réponse est sans appel. Montrer la réalité crûment, aussi forte soit-elle, ne servira pas aussi bien le propos d’une histoire construite, pensée et structurée.
Ainsi, ce film montre une réalité… Mais il ne fait que la montrer. À aucun moment, le propos de l’auteur n’est ressenti. Ce choix donne des limites à ce long-métrage, à commencer par celui de ne pas aller au bout des conflits, majeur ou mineur, ce qui aurait permis d’aller plus loin dans les problématiques, d’explorer les tenants et les aboutissants. Pousser les personnages de Rosie et John jusqu’au bout de leur conflit aurait pu montrer au spectateur l’aberration d’un système qui déshumanise, et les manques d’une éducation qui restreint. Tout cela, toutes ces questions extrêmement intéressantes ce film ne les discute pas, il ne fait que les évoquer.
Rosie Davis demeure un film qui mérite d’être découvert, de par la situation qu’il montre. Mais sa forme et ses choix scénaristiques peuvent diviser et en laisser certains sur leur faim.
Rosie Davis de Paddy Breathnach, en salle depuis le 13 mars 2019. Ci-dessus la bande-annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.