CRITIQUE / AVIS FILM – Pour son deuxième film, Franck Dubosc s’offre avec " Rumba la vie " un beau rôle de type transparent qui va s’ouvrir au monde grâce au retour de sa fille dans sa vie. Avec Jean-Pierre Darroussin et Michel Houellebecq.
De l'ombre à la lumière
Dans Rumba la vie, qu’il a écrit et réalisé après Tout le monde debout, Franck Dubosc s’offre le rôle ingrat de Tony, chauffeur d’autobus scolaire. Sa vie est morne, emplie d’habitudes, de solitude, de clopes, de vieux films américains et de rêves enfouis. Mais c'est sûrement le prix à payer quand on ne veut rendre de comptes à personne. Tony se cache derrière sa discrète moustache d’un autre temps, créée « pour que le papa de Rumba la vie ressemble aux papas vintage des gens de son âge, aux cheveux un peu gominés, avec boots et Blue jean ».
Le seul plaisir égoïste de cet homme transparent et renfermé sur lui-même consiste à traduire en français des faux amis anglais aux gosses qu’il trimballe dans son bus. Le film montre bien comment Tony, sauvé après un malaise cardiaque par son collègue Gilles (Jean-Pierre Darroussin) et alerté par le Docteur Mory (Michel Houellebecq), prend conscience de sa finitude. Tony décide de retrouver sa fille Maria (Louna Espinosa), qu’il a abandonnée gamine avec sa mère Carmen (Karina Marimon). Et il y a alors chez Franck Dubosc un côté Bill Murray, quand il faisait le tour des popotes dans Broken Flowers de Jim Jarmusch.
Présenté comme un homme peu courageux, Tony se lance pourtant avec l’aide de sa voisine Fanny Massamba (Marie-Philomène Nga) dans une technique téméraire de rapprochement avec Maria. Il s'inscrit à son cours de rumba et ne s'avère pas très doué pour cette discipline. Nombreux seront les obstacles, mensonges et malentendus avant que la vie ne les rassemble. Le sens profond du film ne réside évidemment pas dans l’apprentissage de cette danse, mais bien dans la reconnexion d’un père avec sa fille.
Et si Rumba la vie fait souvent rire, ce n’est pas pour autant une comédie hilarante, comme on pourrait s’y attendre avec Franck Dubosc dans le rôle principal. Lui qui interprète souvent des beaufs au cinéma (on se souvient du fameux gimmick « On n’attend pas Patrick ?» de Camping) ou des mythos à l’ego surdimensionné sur scène. On sait bien qu'il n'est pas si facile pour un humoriste d'emmener les spectateurs sur d’autres pistes que ses rôles comiques emblématiques et faire évoluer leur regard. Certains, à l'instar de Ramzy Bedia dans Hibou, s'y sont durement heurtés.
Un héros ordinaire
Mais Franck Dubosc, assumant ce tournant depuis son premier film, démontre avec Rumba la vie qu’il ne se contente pas de surfer sur la vague de son capital sympathie. Il ne laisse pas les spectateurs juger la vie étriquée de son héros, ni se moquer de son côté beauf sans ambition. Car il refuse de « reprendre les réflexes du rigolo qu’il domine trop, assurant que la comédie est bien son contre-emploi car elle lui est tombée dessus par hasard».
En s'affirmant comme un auteur qui a « plus de facilité avec l’écriture des films moins drôles pour ses propres personnages », Franck Dubosc réussit en effet la gageure de rendre Tony attachant. Car il fait subtilement pencher cette partie de son film du côté doux-amer, en permettant aux spectateurs de s’identifier à lui, à ses rêves, sa maladresse, son manque d’éducation ou son inadaptation aux codes de la vie sociale. Le droit à l’erreur est pleinement revendiqué, ainsi que celui de tenter de rattraper le temps perdu. Il leur offre finalement la jolie possibilité de découvrir l’humanité de son personnage sans panache, notamment grâce à la bienveillance de son entourage.
Un entourage que l’auteur « préfère rendre plus drôle que lui », s’amusant à prendre tout le monde à contrepied. À commencer par le docteur Mory, qui sort des sentiers battus avec ses remarques autant fatalistes qu’intrusives. Il est interprété par un Michel Houellebecq en grande forme, qui a fait savoir à son agent qu’il souhaitait tourner avec Franck Dubosc. Et ce dernier, qui ne « voulait pas que ce soit un coup ou une fausse bonne idée car le personnage se prêtait bien à sa personnalité », a bien fait d'accepter.
Même si on est un peu moins fan de son ex Carmen, qui préfère aux remontrances d’une femme quittée son confort avec son gentil mari (Philippe Uchan, toujours aussi drôle, même dans un petit rôle), ou de Fanny, qui passe trop de temps à démonter les clichés que ne peuvent s’empêcher d’avoir les gens face à elle, Rumba la vie se révèle donc un film touchant, qui invite à aller au-delà des apparences du manque d’envergure d'un homme. Donnant à voir comment les aléas de la vie lui permettent de déployer ses ailes pour mieux choyer sa fille. Et il y a fort à parier que les fans de l'humoriste accueilleront avec bonheur cette proposition de tendresse du scénariste réalisateur.
Propos de Franck Dubosc recueillis lors du Festival Les Vendanges du 7ème Art à Pauillac.
Rumba la vie de Franck Dubosc, en salle le 24 août 2022 . Ci-dessus la bande-annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.