CRITIQUE / AVIS FILM – "Sarah Bernhardt, la divine" de Guillaume Nicloux plonge brillamment le spectateur dans le quotidien de la tragédienne Sarah Bernhardt, disparue il y a un siècle. Avec Sandrine Kiberlain et Laurent Lafitte.
Sarah Bernhardt, la divine :un élan de vie en guise de biopic
Les spectateurs qui s’attendent à un biopic fidèle de l’une des plus grandes tragédiennes françaises du XIXe siècle, risquent d’être un peu décontenancés par le parti pris de Sarah Bernhardt, la divine. La scénariste Nathalie Leuthreau et le réalisateur Guillaume Nicloux ont en effet choisi de fantasmer certains blancs de sa vie foisonnante. La période évoquée concerne les 20 ans qui séparent le jour de sa consécration en 1896 et l’amputation de sa jambe en 1915. La vie de la star est racontée sous l’angle de la relation passionnée qu’ils lui prêtent avec le comédien Lucien Guitry (Laurent Lafitte).
Ce choix est intéressant, car les libertés prises avec la réalité permettent de s’attacher très rapidement à l’artiste. Sarah Bernhardt, la divine embarque le spectateur dans son sillage virevoltant et fantasque. Ce qui se dégage du film, c’est alors l’énergie, la vitalité, le tempérament exalté de la comédienne, brillamment incarnée par Sandrine Kiberlain.
Peu importe que les deux femmes ne se ressemblent pas vraiment. Car le film réussit à faire ressentir comment elle a croqué la vie à pleines dents. Et ce, malgré un rein, un poumon et une jambe en moins. Elle bouscule et dérange autant qu’elle suscite l’admiration de ses contemporains, des artistes et de ses proches. L'intensité de ses propres émotions la chavire et l’amène sur le terrain de la souffrance, qu'elle transforme subtilement pour servir son art et son jeu.
« Quand même ! » : la devise bien avisée de Sarah Bernhardt
« Laissez-moi, il faut que je me quitte » dit-elle avant d’entrer en scène. Sarah Bernhardt, la divine donne très bien à voir comment l’actrice s’empare de ses personnages, autant féminins que masculins. Par le verbe, le costume, la posture, les décors, mais aussi les tripes et le cœur. Le film tient parfaitement ses promesses de saisir l’essence vitale même de cette femme. À savoir s’adonner à tous les plaisirs de la chair, mépriser les conventions sociales et savourer sans perdre une miette. Autant que rire des autres et de soi, être inspirante et inspirée, occuper l’espace et utiliser son pouvoir pour sublimer l’art. Le spectateur empathique comprend comment elle a survécu à son passé, pris sa revanche sur la vie et écrit sa propre légende.
Guillaume Nicloux allie allègrement plaisir des yeux et plaisir des oreilles. Décors et costumes fastueux évoquent la bourgeoisie parisienne de la fin du XIXème siècle dans laquelle évoluait l’actrice excentrique. Entourée de ses animaux, ayant le goût du macabre, elle travaillait dans un cercueil. Dans Sarah Bernhardt, la divine sont évoqués Clémenceau, l’affaire Dreyfus, ses tournées à l’étranger ou encore son soutien aux soldats pendant la guerre.
Les dialogues et joutes verbales sont fabuleusement portés par tous les acteurs de la vie de la Divine. Ainsi Louise, l'amie fidèle (Amira Casar), Suzanne, sa camériste (Pauline Etienne) ou Pitou, son valet répétiteur (Laurent Stocker de la Comédie-Française). Quant aux scènes émouvantes avec son fils Maurice (Grégoire Leprince- Ringuet) et Sacha Guitry (Arthur Mazet), elles permettent à Sarah de donner sa propre version de ses désirs et déceptions. Grâce à ce casting parfait, Sarah Bernhardt, la divine retrace donc remarquablement le tourbillon de la vie que l'artiste s’est diablement amusée à mettre en scène.
Sarah Bernhardt, la divine de Guillaume Nicloux, en salles le 18 décembre 2024. Ci-dessus la bande-annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.