CRITIQUE FILM - Par "Shut up and play the piano" Philipp Jedicke livre un documentaire à la vision personnelle qui explore l’univers artistique de Chilly Gonzales.
Philipp Jedicke était fasciné par l’artiste performeur et virtuose Chilly Gonzales. Avec Shut up and play the piano, il offre une vision passionnante au cœur de l’univers du musicien. À travers le parcours et les rencontres artistiques, le réalisateur réussit à dévoiler l’homme.
Chilly Gonzales est un artiste unique. Distingué d’un Grammy, il est un pianiste virtuose et show man. Mais avant cela, il était aussi un artiste pop performeur entre rap électro et musique classique au piano. Ce musicien excentrique a multiplié les collaborations et les recherches artistiques. Shut up and play the piano entre de plain-pied dans le monde fascinant de Chilly Gonzales. À travers les témoignages de ses collaborateurs ainsi que les images d’archive de ses travaux le spectateur peut découvrir les questionnements, les doutes et la mégalomanie de cette artiste à part.
La force de la forme
Shut up and play the piano possède l’énorme avantage de joindre le fond et la forme. Ainsi, on est littéralement plongé dans un univers musical. Le mélange d’images d’interviews avec des morceaux de vidéo amateure du travail de Chilly Gonzales nous entraîne dans une temporalité non-linéaire et permet pleinement de s’évader et de se laisser porter par le documentaire. La musique donne le rythme tout au long du film.
Les vidéos des travaux de Chilly Gonzales et de Peaches autorisent une forme d’intimité artistique et d’être au plus près de leur recherche. La texture amateur de ces images donne encore plus de force à ce sentiment. Shut up and play the piano ne raconte plus un propos, il permet une expérience. Par ce style, Philipp Jedicke offre la possibilité de retrouver l’atmosphère des années 1980 et des émissions musicales cultes.
Un documentaire qui permet de découvrir
Avec Shut up and play the piano, le réalisateur offre la possibilité de découvrir ce qu’est un artiste. Avec les images de celui-ci, il donne à voir les obsessions, la recherche artistique et les doutes permanents qui l’animent. Ce documentaire tape dans le mille et il permet au spectateur une véritable immersion. Il permet d’aller voir à l’intérieur d’un univers musical. On se laisse facilement bercer pour rentrer pleinement dans cette proposition. Il se déroule dans ce film quelque chose d’un peu magique. En effet, sans jamais voir l’intimité de la personne, Chilly Gonzales, on aperçoit par son art l’homme qui se cache derrière. Philipp Jedicke donne ici la parfaite définition d’un artiste : l’indissociabilité entre l’homme et son art.
Philipp Jedicke était fasciné par l’artiste Chilly Gonzales. Sa démarche à travers son documentaire a été d’aller explorer l’objet de sa fascination. Cette envie première est présente tout au long du film et c’est ce qui fait sa force. Shut up and play the piano est une proposition émanant d’une envie d’aller voir. Et cette envie est partagée au spectateur. Le réalisateur ne se contente pas de faire un portait documentaire classique sur un artiste, il va plus loin, il s’approche de lui, il l’écoute. Il fait son film en respectant sa vision avec les risques que cela comporte, mais au final, il restitue un travail et une vision personnelle. Le spectateur peut ainsi pleinement partager sa sensibilité.
Le montage, l’élément clef
Dans ce film le montage est primordial, c’est celui-ci qui va permettre, ou pas, aux spectateurs de rentrer. Dans Shut up and play the piano le montage est totalement réussi. Les professionnels de cette discipline ont coutume de rappeler la grande injustice d’un montage réussi : un bon montage ne se voit pas. Dans ce documentaire, le montage est présent partout, mais il ne se voit jamais. Très rapidement, on adhère à la narration, on se laisse porter pour l’oublier complètement. Pourtant, derrière l’assemblage, il y a narration, il y a structure et il y a tout ce qui permet au spectateur de rentrer dans le film et d’en sortir que lorsque les lumières de la salle obscure se rallument. Shut up and play the piano respecte parfaitement l’injustice d’un bon montage. Ainsi, ceux qui aimeront ce documentaire pourront louer tous les éléments du film, à l’exception du montage, mais ce sera bien là le meilleur compliment qu’ils peuvent offrir au monteur.
Shut up and play the piano de Philipp Jedicke. En salle le 3 octobre 2018. Ci-dessus la bande annonce.