Skate Kitchen : girl power à roulette

Skate Kitchen : girl power à roulette

CRITIQUE FILM - Dans "Skate Kitchen" Crystal Moselle filme une bande de skateuses en quête de liberté et d'émancipation le temps d'un été, entre les rues de New York et de Long Island. Déjà présenté en festival, notamment à Sundance, le film aura prochainement droit à une adaptation en série sur HBO.

Camille est l’adolescente introvertie par excellence. Son seul plaisir est de tenter des figures sur son skate. Après une mauvaise chute et une sérieuse blessure (qui laissera probablement le spectateur craintif tout du long), sa mère lui interdit de remonter sur sa planche à roulettes. Pas suffisant pour l’empêcher de filer en douce au skatepark où elle y rencontre les Skate Kitchen, des skateuses excentriques qui aussitôt la prennent sous leur aile.

Des images de jeunes qui traînent au skatepark, qui fument et boivent entre deux figures, on en a vu dans Paranoid Park (2007, Gus Van Sant), Les Seigneurs de Dogtown (2005, Catherine Hardwicke), The Smell of Us (2015, Larry Clark) et bien d’autres. Des films qui partagent un visuel similaire, brute, et une volonté de réalisme. Skate Kitchen, qui aura droit à une adaptation en série par HBO, rentre dans cette catégorie. Film indé par excellence, on y filme caméra à l’épaule les jeunes en toute liberté. Directement dans la rue, on accompagne dans leur périple ces petites sauvageonnes qui grugent pour prendre le métro et s’agrippent aux voitures pour aller plus vite, les pieds toujours vissés sur leur planche. Sauf qu’ici, c’est un groupe de filles qui, au sein du monde du skate, témoigne d’inégalités hommes-femmes.

Skateuse, jeune et libre

En ces temps de changements dans notre société, le féminisme est de plus en plus présent, ou du moins affiché, notamment au cinéma. Pour certains films, c’est malheureusement devenu un outil marketing. Mais Skate Kitchen n’est pas de ceux-là. Car le but premier de Crystal Moselle est clairement de filmer des individus ; ce collectif de skateuses qu’elle a rencontré par hasard dans le métro et qui l’a aussitôt fasciné, et de faire découvrir leur vie et leur désir de liberté. Il n’y a alors pas tellement d’envie de faire passer un message, féministe donc, mais uniquement de permettre de côtoyer ces filles, dont les problématiques et la nécessité de s’affirmer sont propres à leur condition, leur milieu social et leur âge.

Critique Skate Kitchen : girl power à roulette

Alors, comme toutes filles de dix-huit ans à peine, elles discutent de leurs problèmes personnels, questionnent leur corps - l’une en se demandant si son vagin est normal, l’autre si l’usage de tampon n’est pas dangereux -, mais également leur sexualité et (ici) sans jamais se juger les unes et les autres. Et puis il y a évidemment les garçons, qui peuvent être intrusives, ignorants (sur les désirs des femmes) ou simplement sexiste (mais pas tous). Surtout dans un milieu sportif où les filles sont moins bien considérées. Cela peut paraître simpliste, et pourtant Crystal Moselle émet de légères subtilités dans tout cet ensemble pour le rendre authentique et en faire un témoin de notre époque.

Finalement, la cinéaste aurait pu se suffire de filmer ces moments de vie. D’être plus radicale dans une démarche documentaire. Car Skate Kitchen perd en « originalité » en suivant malgré tout un récit traditionnel. La mise en place de l’amitié entre Camille et cette meute, solidaire au possible, étant suffisante pour nous introduire. L’évolution de la relation entre Camille et un jeune skateur, qui amènera à un conflit entre elle et une des filles, puis à un éloignement logique avant un retour prévisible, est un schéma déjà-vu, bien trop classique pour convenir à une bande qui prône l’émancipation. D’autant plus que c’est dans la contemplation des visages, et surtout des corps qui posent fièrement ou vogue en toute liberté sur ces planches à roulettes que Crystal Moselle offre ses meilleures séquences à Skate Kitchen. En captant des moments d’insouciance où, le temps d’un été, la jeunesse peut se libérer.

 

Skate Kitchen de Crystal Moselle, en salle le 30 janvier 2019. Ci-dessus la bande-annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.

Conclusion

Note de la rédaction

En dépit d'un récit très classique, "Skate Kitchen" tient son intérêt dans ses moments les plus contemplatifs qui permettent de découvrir le quotidien de jeunes skateuses avec naturel et qui font du film un témoin de notre époque.

Note spectateur : Sois le premier