CRITIQUE FILM - C’est un pari risqué et inédit. Un film d’animation centré sur un personnage iconique Marvel. Il y a bien eu "Les Nouveaux Héros", mais cette fois c’est d’un autre calibre. Sony, qui détient encore les droits du personnage, produit "Spider-Man : New Generation". Après "Venom", qui a extrêmement déçu la presse, mais qui pourtant cartonne au box-office, voici donc le nouveau-né de l’univers étendu de Spider Man.
Exit Peter Parker, cette fois, le film se concentre sur un nouveau tisseur : Miles Morales. Un jeune latino-américain issu de l’univers Ultimate en 2011. Il est jeune, débutant, et remplace le Peter Parker de sa réalité, décédé. Aujourd’hui, dans les comics, Morales a rejoint la réalité principale et évolue en compagnie du premier Peter Parker. Oui, c’est dur à suivre. Surtout que ça ne s’arrête pas là puisque Into the Spiderverse (Spider-Man : New Generation en VF) introduit 6 Spider-Men : le Spider-Man noir (doublé par Nicolas Cage), Spider-Cochon, Peni Parker, Spider-Gwen, Peter Parker et Miles Morales donc. La faute au Caïd qui a tenté de ramener sa défunte femme et son fils d’une autre réalité dans laquelle ils sont toujours en vie. De ce postulat de départ, le jeune Morales va apprendre les ficelles du métier en compagnie de Parker.
Un scénario complexe
Même si le long-métrage demeure un dessin animé, donc à la lecture relativement simpliste pour ratisser un public hétéroclite, il faut souligner ce scénario alambiqué. Sony prend des risques et commence à exploiter pleinement le potentiel des comics. Les mondes alternatifs sont courants sur le papier et permettent d’étendre encore et toujours un univers avec des idées plus ou moins intéressantes. Morales est une idée géniale. Le personnage a explosé sur le papier, très apprécié des lecteurs, puisqu’il revenait à la source. Au Spider-Man originel. Dans les comics Peter Parker en a vu des durs, il n’est plus le jeune fougueux qu’on connaît. Il fallait un nouveau héros pour retourner aux débuts du tisseur. Les personnages de son univers sont sensiblement les mêmes à quelques variables près. C’est d’ailleurs de cet univers qu’est issu le Nick Fury noir.
Une œuvre pop, rythmée et bourrée de références
A l’heure actuelle, ce Spider-Man est sans doute le meilleur hommage cinématographique qui ait été fait aux comics. Spider-Man : New Generation est une œuvre diablement rythmée, qui évite les temps morts avec une facilité déconcertante. Toujours à fond, cette nouvelle version est une œuvre profondément pop, bourrée de références et d’auto dérision. Sony s’inspire du rythme des films du Marvel Cinematic Universe, tandis que les connexions sont innombrables, et permettent d’entretenir la grande force des comics : leur capacité à s’étendre constamment et à se référer entre eux. Les clins d’œil sont nombreux, les références aux comics délectables. Quant à l’auto-dérision, elle rappelle le travail de Teen Titans Go le film ! qui parvenait à se moquer de son propre matériau avec énormément d'ironie. Spider-Man : New Generation y parvient parfaitement et ce, dès le début, avec le traditionnel résumé de l’histoire du héros.
Spider Man : New Generation joue avec ses propres clichés. Il se réinvente, les détourne, et ce, dès son générique. Marvel, cette marque si parlante, est ici dérivée, transformée, réinventée. Le film se résume à cette capacité à faire du nouveau avec de l’ancien. Des personnages iconiques, des situations clichées, qui sont ici utilisés avec intelligence, dans des conditions inédites, et surtout avec un ton inédit. Le trio de réalisateurs parvient à créer également des ressorts émotionnels forts. Encore une fois via la perte, le deuil, un grand classique du super-héros, encore plus de Spider-Man. Encore une fois, ce cliché du genre est transformé, réadapté, utilisé pour des ressorts dramatiques mais également à travers une auto-dérision débordante, à la manière du classique « de grands pouvoirs impliquent de grandes responsabilités », tourné en dérision, placé comme une représentation nostalgique d’un temps où le super-héros n’était encore qu’une niche. Spider-Man : New Generation parvient à trouver ses moments d’émotion, dans l’appartenance familiale, dans la volonté de fierté, de reconnaissance, mais également dans la propre condition de son personnage principal qui cherche à savoir où se trouve sa place et ses devoirs.
Une mine d’or pour les lecteurs de comics
Enfin, ce Spider-Man est nostalgique. Nostalgique d’une époque révolue, où les seuls super-héros du moment étaient les X-Men et Spider-Man. New Generation renvoie à ce temps, aux films de Sam Raimi, mais aussi aux comics eux-mêmes. Ce nouvel opus est en cela une réflexion passionnante sur l’adaptation des comics au cinéma. Renvoyant aux aventures papiers, à tout ce que Peter Parker a traversé, mais également aux lecteurs, ceux qui l’ont accompagné toutes ces années. Spider Man : New Generation joue avec la mélancolie du lecteur, celui qui a grandit avec les comics, les premiers films et l’apparition du MCU. Sony rappelle alors les succès de Sam Raimi, mais aussi les dérapages, avec humour et dérision. D'ailleurs, il est fortement conseillé d'attendre la fin du générique pour un rendez-vous avec le passé...
Le summum de la nostalgie survient lors du cameo du regretté Stan Lee, qui prend un sens étonnamment dramatique dans son contexte réel bien évidemment, mais aussi par rapport à celui du film, comme le miroir de la réalité. Spider Man : New Generation est conscient de l’héritage qu’il tient entre ses mains, de ce que symbolise le personnage, son univers, les années qui le précèdent. Un héritage pop culturel immense, la pression iconique de ce que représentent les comics Marvel pour les fans, et maintenant pour le cinéma. L’émotion fonctionne, et renvoie le spectateur à sa propre jeunesse, et aux pages de ses comics dans lesquelles Stan Lee et Steve Ditko animaient le tisseur. Spider-Man a perdu ses deux créateurs cette année, mais semble encore en perpétuelle réincarnation...
Spider-Man : New Generation de Bob Persichetti, Peter Ramsey et Rodney Rothman, en salle le 12 décembre 2018. Ci-dessus la bande-annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.