CRITIQUE / AVIS FILM – Avec « Swing Kids » le cinéma coréen montre qu’il est capable de rivaliser avec Hollywood même dans le genre de la comédie musicale. Ici, c’est au sein d’un camp de prisonniers en pleine Guerre de Corée que la danse et les claquettes offrent une échappatoire à une poignée de personnages.
Durant la Guerre de Corée, un des plus grands camps de prisonniers a été construit sur l’île de Geoje. Tenu par les Américains, le camp accueillait des Chinois, des Nord-coréenne, pro ou anti-communistes. Certains ayant décidé de changer de camp et de ne pas retourner en Corée du Nord, était placés dans cette zone, légèrement à l’écart des autres groupes car considérés comme des traîtres. Après de multiples révoltes, le camp est considéré comme un des pires. Le commandant Roberts, en charge de cette zone, décide alors d’organiser un spectacle qui montrerait aux médias comme le camp est bien tenu. Il nomme alors Jackson, ancien danseur de Broadway, de monter un show avec une poignée de prisonniers en leur apprenant à faire des claquettes, danse américaine et donc du peuple libre, tout un symbole.
« Fuck ideology »
C’est donc par le prisme de la danse que Kang Hyoung-chul a décidé de traiter de la guerre. Et le moins qu’on puisse dire, c’est que Swing Kids est une vraie réussite. Le cinéaste sait quand faire oublier la situation pour nous embarquer dans de superbes numéros musicaux, qui viendront rythmer et faire swinguer et vibrer le film durant plus de deux heures. Cela passe autant par sa mise en scène dynamique que par ses choix de musiques. Comme cet anachronisme judicieux et assumé avec Modern Love de David Bowie, inclut au milieu de classiques du jazz, et dont la séquence rappelle évidemment Billy Elliot.
Le film a ainsi quelque chose d’étonnamment lumineux. Dès les premières minutes, alors que Jackson organise un bal clandestin au sein du camp pour divertir des soldats américains avec des Coréennes, et que Ki-soo, un jeune nord-coréen doué pour la danse et considéré comme un héros de guerre par les autres prisonniers, s’incruste pour montrer son talent. Une intervention qui permettra donc à Jackson de le repérer pour sa petite troupe.
Sauf que s’adonner à une danse américaine n’est pas bien vu par les Nord-coréens. Et Ki-soo devra se faire discret. En cela, le cinéaste n’oublie pas de faire de Swing Kids une œuvre politique. Et c’est bien là toute l’intelligence de son film, qui derrière sa légèreté est porteur d’un message humaniste avant tout, voire anti-politique. Au sein des cinq membres de la troupe, il n’y a pas d’idéologie. Le Nord-coréen Ki-soo se retrouvant aux côtés d’une jeune fille coréenne, d’un Chinois, d’un « traître » et d’un Américain noir (Jackson). Qu’importent les idées politiques des uns et des autres. Tous aspirent à des choses simples : retrouver leur famille et/ou survivre.
Surtout, Kang Hyoung-chul évite de prendre parti, de favoriser une idéologie plutôt qu’une autre. Pointant avant tout l’endoctrinement, mais qu’il soit du côté nord-coréen ou d’ailleurs l’importe peu. Pour lui, communisme ou capitalisme, ce ne sont que des idées qui sont à l’origine d’un conflit inutile. Et il est d’autant plus fort de le voir émettre l’envie d’une réunification des deux Corée lors d’un discours humaniste entre les deux minorités victimisées : la femme coréenne et l’homme noir américain. Qu’importe alors le pays, le problème viendrait des idéologies.
Ainsi, Kang Hyoung-chul parvient en se concentrant sur cette petite équipe de danseurs à créer une empathie naturelle. L’attachement grandi tandis qu’eux-mêmes apprennent à se connaître et à se serrer les coudes. Comme lorsque Ki-soo est embarqué dans une bagarre contre quelques soldats américains qui l’ont pris en grippe. Une bagarre qui se traduit évidemment par… La danse ! Et si dans l’ensemble le film suit une écriture relativement classique avec des rebondissements plus ou moins prévisibles, c’est dans sa toute fin que Swing Kids parvient à prendre à la gorge. Un final remarquable, parfaitement chorégraphié sous fond de Sing Sing Sing de Benny Goodman, qui met en tension aussi bien qu’il émerveille du début à la fin. Une véritable surprise colorée qui montre, une nouvelle fois, que le cinéma coréen est capable de rivaliser avec Hollywood sur tous les genres, même la comédie musicale.
Swing Kids de Kang Hyoung-chul, présenté lors du 14e festival du film coréen à Paris. Ci-dessus la bande-annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.