CRITIQUE / AVIS FILM - Dans "Teddy", l’excellent Anthony Bajon incarne un jeune homme persuadé qu’il est en train de se transformer en loup-garou. De quoi déclencher l’horreur en Occitanie… Et le déplacement en salle ?
Teddy : le marginal
Après la Normandie de Willy 1er, Ludovic Boukherma et Zoran Boukherma s’installent dans un petit village des Pyrénées-Orientales, où la présence d’un loup qui s’en prend à des troupeaux de moutons énerve et effraie les habitants. Parmi eux figure Teddy, 19 ans, qui a arrêté l’école très tôt et vit en marge des autres jeunes de sa commune.
Intérimaire, Teddy travaille en tant que masseur et n’a quasiment pas de famille, en dehors de sa tatie handicapée et de son ami Pépin. Rêvant d’une meilleure vie, il projette de faire construire une maison pour s’y installer avec sa petite amie Rebecca, une lycéenne de 17 ans.
Ses plans sont chamboulés lorsqu’il se fait mordre par une bête. Teddy est alors victime de phénomènes aussi étranges qu’inquiétants, à l’image de pulsions carnivores un brin écœurantes, de pertes de conscience nocturnes et d’apparitions soudaines de poils à des endroits incongrus.
Une métamorphose réussie
La scène d’introduction de Teddy donne le ton et dévoile d’emblée l’équilibre sur lequel repose le long-métrage. Évoquant de nombreuses ouvertures de films d’horreur impliquant une créature, elle joue évidemment sur l’invisibilité de cette dernière mais offre tout de même une généreuse giclée de sang. L’humour est immédiatement perceptible mais ne tourne pas en dérision la présence supposée du monstre.
S’ils s'amusent sans cesse du côté décalé des situations, les frères Boukherma assument totalement le genre dans lequel s’ancre leur film. En cela, il rappelle Le Loup-garou de Londres, même s’il s’en écarte par bien d’autres aspects. Là où le classique de John Landis dévoilait très tôt la transformation du personnage campé par David Naughton et devait beaucoup aux effets de Rick Baker, Teddy opte pour la suggestion. Un choix en partie dû aux contraintes techniques, comme l’ont expliqué les scénaristes et réalisateurs, et qui peut s’avérer un tantinet frustrant lors du final.
Pour autant, le duo n’est pas avare en propositions peu ragoutantes. La mutation du protagoniste est organique, progressive et à l’origine de plusieurs séquences mémorables qui font leur petit effet. C’est par exemple le cas quand le héros découvre sa langue velue et tente de remédier à sa manière à ce problème. Si l’économie de moyens se ressent, elle ne nuit en aucun cas au charme de Teddy, qui se situe quelque part entre le cinéma de Joe Dante, de Quentin Dupieux et de Raymond Depardon.
La revanche du loser
L’originalité des frères Boukherma est toujours au service de l’évolution du personnage principal, magistralement incarné par Anthony Bajon, révélé notamment par La Prière. Teddy est tour à tour moqueur, nonchalant, vulgaire, aimant, romantique, gentil, effrayé et violent. Lorsqu’il partage sa vision du futur à Rebecca, interprétée par Christine Gautier, le héros se révèle particulièrement touchant. Dès le début du film, les réalisateurs glissent des notes d’émotion qui s’avèreront cruciales pour la dernière partie. Son dévouement envers sa tante et son amitié avec Pépin offrent aussi de beaux moments de tendresse. D’abord amenés entre deux touches d’humour, ils finissent par prendre le pas au cours des dernières minutes surprenantes.
La transformation de Teddy s’intensifie à mesure que les humiliations à son égard se multiplient et que sa frustration s’intensifie. Harcelé sexuellement par sa patronne Ghislaine (Noémie Lvovsky, géniale), moqué pour sa scolarité désastreuse, ignoré par des gendarmes auxquels il pose des questions et contraint d’enchaîner des emplois précaires qu’il n’aime pas, il apparaît pour beaucoup comme l’idiot du village, sympathique mais ignorant. Les frères Boukherma aiment leur protagoniste et ne le regardent jamais avec pitié. Ils préfèrent lui construire une bascule dans l’horreur cohérente, jusqu’à une ultime scène aux accents tragiques qui prend totalement de court.
Teddy de Ludovic et Zoran Boukherma, en salle le 30 juin 2021. Ci-dessus la bande-annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.