CRITIQUE / AVIS FILM - "Terre maudite" introduit les genres du fantastique et de l'épouvante dans une ambiance de western. Un choix intéressant qui provoque une vraie frayeur mais qui trouve également ses limites.
A la fin du XVIIIe siècle, en plein Far West, deux hommes se tiennent devant une maison. En sort une femme, Lizzy, couverte de sang, avec ce qui semble être un nouveau-né dans les bras. L’absence de cri de l’enfant laisse présumer le pire, confirmé quelques instants plus tard. Mais il ne s’agit pas d’un simple accouchement qui se serait mal déroulé, comme cela devait être fréquent à l’époque. Car contrairement à ce qu’on pouvait imaginer jusque-là, Terre maudite n’est pas un western mais bien un film d’épouvante fantastique. Le film ne fait qu’en emprunter le décor pour pousser l’inquiétude à son paroxysme.
Un mélange de genre original et efficace
Une maison dans une prairie pour Lizzy et son mari Isaac, et une autre à quelques centaines de mètres de là où vivent leurs nouveaux voisins, Emma et Gideon. Une situation qui, de base, n'a rien de très rassurante. Mais c'est donc après l'incident qui a vu périr Emma et son bébé, que débute Terre maudite, alors qu'Isaac accompagne Gideon vers la ville la plus proche. Mais que s’est-il réellement passé ? En adoptant une non-linéarité du récit, Emma Tammi compte bien garder le mystère jusqu’au bout. Les retours en arrière permettent alors de lever le voile sur un premier drame vécu par Lizzy et la créature responsable de tous ces malheurs. Mais est-ce une créature démoniaque ou l’imagination et la paranoïa de Lizzy, la traduction d’une certaine forme de culpabilité ? Le film laisse d’abord planer le doute. Un choix judicieux qui permet de rendre Terre maudite d’autant plus inquiétant et tendu.
Cependant, plus Terre maudite avance, et plus le fantastique prend le dessus et la cinéaste décide finalement d’en montrer un peu trop. Avec son petit budget, le film fonctionne pourtant le mieux lorsqu’il cache les choses au spectateur. Les apparitions et incarnations d’esprits ou de démons pouvant aussi bien provoquer un profond effroi, que frôler le ridicule. Reste une efficacité redoutable de la part d'Emma Tammi pour oppresser au possible son audience. On pourra toujours estimer que la peur est propre à chacun. Et certains pourraient ainsi rester insensible à ces jumpscares. Mais alors qu’une fois de plus, le décor choisi apparaît comme primordiale pour la création d’une atmosphère dérangeante au possible, le fond du film l’empêche de passer un cap pour se placer, par exemple, au niveau d’un The Witch, qui lui abordait le mythe des sorcières sous un nouvel angle.
Sans être vide de sens, Terre maudite est tout de même assez simpliste et ne va pas trop en profondeur - un vague questionnement du rapport de l'homme et de la nature. Et en dépit de certains beaux plans comme hérités de westerns classiques du cinéma hollywoodien, on reste ainsi un peu sur notre faim. Avec le sentiment d’avoir passé un bon moment de terreur et que les sensations étaient au rendez-vous, mais qu’aussitôt consommé, il n’en restera que le vague souvenir d’une inquiétante maison isolée dans une prairie.
Terre maudite d'Emma Tammi, présenté au 45e festival de Deauville et prochainement en salle. Ci-dessus la bande-annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.