The Climb : la comédie trop brillante de Michael Angelo Covino

The Climb : la comédie trop brillante de Michael Angelo Covino

CRITIQUE / AVIS FILM - Mike et Kyle sont amis, à la vie à la mort, malgré la toxicité du premier et la naïveté du second. "The Climb" raconte leur histoire avec une grande drôlerie et un dosage expert de l'amertume. Brillant, mais une brillance que le film recherche sans doute un peu trop...

Un premier film dans la veine des plus grands

"On choisit ses amis, pas sa famille..." Quiconque a plus de deux décennies au compteur peut sourire de ce proverbe, qui tend à se contre-vérifier à mesure que le temps passe. En effet, qui n'a pas un ou une ami.e avec qui le temps a scellé l'amitié, mais qu'à la réflexion on pourrait idéalement s'en passer ? The Climb parle de cette amitié totale, faite autant de sentiments nobles que de petits coups bas et de jugements violents parce que francs. Le film, réalisé par Michael Angelo Covino, est co-écrit par le réalisateur et Kyle Marvin, et interprété par les deux hommes qui incarnent deux amis approchant la quarantaine, répondant aux prénoms de... Mike et Kyle.

The Climb, adapté d'un précédent court-métrage du même nom, est un cinéma qui tire vers la captation du naturel et vers l'intimité d'une relation dysfonctionnelle mais persistante. Concrètement, The Climb va faire passer différentes épreuves au concept d'amitié masculine, dans une succession de plans-séquences dialogués et mis en scène avec une grande maîtrise pendant un peu plus d'une heure et demie. C'est drôle, touchant et souvent grinçant et, défaut rare, un peu trop bien fait...

Critique / avis film The Climb : la comédie trop brillante de Michael Angelo Covino

Coup de cœur du jury de la sélection Un Certain Regard au Festival de Cannes en 2019, puis Prix du Jury au Festival du film américain de Deauville, The Climb n'est pas une timide tentative, c'est déjà l'oeuvre accomplie d'un cinéaste influencé par Woody Allen, mais aussi par des cinéastes français comme Alain Resnais ou Claude Sautet, où les relations entre individus font tout le sel de toutes les histoires. C'est que Michael Angelo Covino et Kyle Marvin, exceptionnels dans leurs partitions d'acteurs, s'en donnent à cœur joie (et tristesse) pour peindre leur amitié vieillissante et douloureuse, leur amitié face à la femme de leur vie, face à la famille, face à eux-mêmes. C'est moderne, précis, et très soigné.

Facile à concevoir, moins à réaliser, et c'est ainsi qu'il faut remarquer le véritable génie à l'oeuvre dans la séquence d'ouverture, un plan-séquence sur une montée de col du Sud de la France à vélo, avec un dialogue à la fois dramatique et hilarant, et des essoufflements non-feints. Dans leur démarche de "cinéma-vérité", les deux auteurs frisent constamment la perfection, enchaînant les situations saisies en une prise et avec brio : enterrement d'une épouse, vacances familiales, enterrement de vie de garçon, etc. Tout est très réussi, et c'est dans cette réussite que le film trouve cependant sa limite.

The Climb : forme trop parfaite pour fond chaotique

Le film est ravissant, étonnant, frais, ce que symbolise parfaitement la participation au film de Judith Godrèche, actrice douée et surprenante, et rarement là où on l'attend - si on l'attend. L'opposition des deux caractères de Kyle et Mike, le premier trop bon et naïf, le second toxique et narcissique, est la matrice de cette comédie de mœurs qui sous ses situations comiques dévoile des souffrances, des lâchetés, avec un vrai fond de mélancolie. L'usage expert des plans-séquences perd sa performance ici : la perfection de la mise en scène dévitalise le chaos psychologique qui fait l'intérêt de cette histoire.

Critique / avis film The Climb : la comédie trop brillante de Michael Angelo Covino

On peut, de manière caricaturale, mais à peine, estimer que les plans-séquences se prêtent particulièrement bien à l'action, au développement univoque d'une situation telle qu'une course-poursuite, une fusillade, une traversée, en tout cas un passage détaillé du point A au point B. Dans The Climb, l'amitié infinie mais conflictuelle de Mike et Kyle se prête parfaitement à l'exercice de la prise unique, lors de sa séquence d'ouverture, mais beaucoup moins au moment de relater une réunion familiale que Mike vient faire dérailler. Si le choix de mise en scène est payant pour montrer les grandes qualités de cinéaste de Michael Angelo Covino, il n'est pas toujours le meilleur pour véritablement montrer les ressorts psychologiques et la chair douloureuse de cette amitié entre deux hommes égarés dans leur choix de vie.

Premier film de Michael Angelo Covino, ce n'est pas l'excès de désir de vouloir trop montrer qui empèse The Climb, mais sa trop grande volonté d'en faire une réussite formelle éclatante. Un petit défaut qui mène à la conclusion qu'on veut à tout prix voir un prochain film de Michael Angelo Covino, qui vient de s'annoncer comme un futur grand nom de la comédie dramatique.

 

The Climb de Michael Angelo Covino, en salle le 29 juillet 2020. Ci-dessus la bande-annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.

Conclusion

Note de la Rédaction

Film personnel, aux vues intimes et grinçantes, The Climb est une très belle réussite pour Michael Angelo Covino et Kyle Marvin. Il a le défaut de sa qualité, à savoir que sa forme exquise prend le dessus sur le fond et la vérité des dialogues. Pour le reste, c'est à voir sans hésiter.

Note spectateur : Sois le premier