La Favorite : un jeu machiavélique passionnant chez la reine Anne

La Favorite : un jeu machiavélique passionnant chez la reine Anne

CRITIQUE FILM - "La Favorite" de Yorgos Lanthimos est un chef d'oeuvre incontestable qui manie écriture, technique et mise en scène avec brio. Le long métrage n'a pas volé ses dix nominations à la prochaine cérémonie des Oscar.

Yorgos Lanthimos est de retour. Après l'excellent The Lobster et un Mise à mort du cerf sacré qui a divisé, il revient avec La Favorite. Avec 10 nominations à la prochaine cérémonie des Oscar, dont Meilleur film, Meilleur réalisateur et Meilleur scénario original, il part dans les favoris. De premiers gages de qualité qui n'ont pas été usurpés tant le film de Lanthimos est un petit chef d’œuvre. Porté par Olivia Colman, Rachel Weisz, Emma Stone et Nicholas Hoult, The Favorite revient sur le destin méconnu de la reine Anne, dernière héritière de la lignée des Stuart. Sans descendance c'est certainement la reine la moins célèbre de l'histoire de l'Angleterre.

Une véritable leçon de cinéma

Découpé en chapitres, manière de procéder très chère à Quentin Tarantino, La Favorite est techniquement parfait. La mise en scène est un régal total, parfaitement rythmée et dosée, elle garde son spectateur en allène du début à la fin. Yorgos Lanthimos offre une réalisation remarquable ponctuée de gros plans sur ses superbes actrices en opposition à des plans très larges, panoramiques. Il use aussi d'objectifs grand angle, qui donne un effet bombé à ses plans étonnants et inhabituels. Ses mouvements de caméra sont immersifs comme ces quelques rapides décalages à 180° qu'il utilise pour emporter le spectateur d'une situation à une autre, d'un protagoniste à l'autre. Le cinéaste joue également avec les ombres et les lumières, l'époque Victorienne permettant de justifier les jeux avec les bougies. Des plans incurvés, bombés, larges, zoomés, Yorgos Lanthimos s'en donne à cœur joie et l'assistance en prend plein les yeux. La Favorite est un film techniquement bluffant qui permet de donner une dynamique impressionnante à son histoire en costumes.

Critique La Favorite : un jeu machiavélique passionnant chez la reine Anne

Il est bien aidé par son casting incroyable. Emportés par une direction artistique précise, les acteurs offrent des prestations mémorables. Rachel Weisz (Lady Sarah) en tête qui, après son énorme rôle dans The Lobster, monte encore d'un cran et dévoile l'étendu de son talent. Interprétant un personnage ambigu, grave, manipulateur et sévère elle tient le film sur ses épaules. Olivia Colman n'est pas en reste dans la peau d'une reine vieillissante, totalement dépassée par les événements, qui est finalement peut-être le personnage le plus humain du film. Nicholas Hoult (Lord Harley), plus en retrait, est pourtant merveilleux dans la peau de l'opposition à la reine. Drôle et cynique on ne l'avait encore jamais vu ainsi. Enfin vient Emma Stone, qui continue son ascension avec ce rôle compliqué. L'actrice offre une palette d'expressions renversante pour camper la jeune Abigail Hill. Les trois actrices n'ont pas volé leurs nominations aux Oscar. Olivia Colman dans la catégorie Meilleure actrice et Rachel Weisz et Emma Stone dans la catégorie Meilleure actrice dans un second rôle.

Une histoire passionnante qui casse les codes du film en costume

Bien loin des films plutôt barbants du genre (et encore que si on considère Amadeus et Barry Lyndon on est bien loin de l'ennui), La Favorite permet de dynamiser ce genre. L'histoire est passionnante, grâce à une écriture des personnages très précise et un scénario imprévisible. Bourré de faux semblants, de sous intrigues et de non dits, La Favorite est un véritable western où chacun des protagonistes joue pour son propre camp, prêt à toutes les trahisons. Le triangle entre la reine Anne, Sarah et Abigail est terriblement prenant et inattendu. La reine est au centre du jeu machiavélique des deux autres instigatrices qui tentent d'usurper la sympathie de sa toute puissante. Un jeu du chat et de la souris, des ambiguïtés passionnantes et de véritables duels se mettent en place. Yorgos Lanthimos présente le manque total d'humanité de cette époque, démontre à quel point l'ordre de la noblesse était une sérénade grotesque dans laquelle chacun usait des pires atrocités pour atteindre ses ambitions personnelles. Une humanité morbide dans laquelle le personnage de Emma Stone va se métamorphoser une fois l'accomplissement de sa tache, comme si l'argent et la condition sociale éteignaient toute lueur de gentillesse et d'altruisme. Un personnage ambigu, qui, avec le personnage de Rachel Weizs, sont des professionnels de la manipulation.

Critique La Favorite : un jeu machiavélique passionnant chez la reine Anne

Ponctué d'un humour noir parfaitement dosé et d'une bande originale pénétrante et magnifiquement mixé, La Favorite casse les codes de l'approche mondaine de l'ordre de la noblesse. A la manière du début de Il Était une fois la Révolution, où Sergio Leone tournait en dérision les bourgeois de son époque, en les faisant manger comme des porcs, Yorgos Lanthimos vient prendre à contre sens les clichés du genre. Il démontre que la haute sphère n'est qu'un groupe de gamins stupides et capricieux. Les comportements des personnages sont totalement irrévérencieux, loin de l'attitude guindée habituelle, très corrosifs agrémentés d'un langage grossier. Les performances des acteurs sont plus contemporaines ce qui permet de créer un décalage avec l'époque. La Favorite dépeint donc une cour de récréation mortelle où chacun joue l'hypocrisie permanente pour garder sa place de privilégié.

 

La Favorite de Yorgos Lanthimos, en salle le 6 février 2019. Ci-dessus la bande-annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.

Conclusion

Note de la rédaction

"La Favorite" est une réussite totale. Un jeu de manipulations passionnant, une écriture scénaristique et des personnes très précise, un humour noir, des faux semblants, des trahisons, et un regard intelligent sur l’époque. La favorite est un chef d’œuvre incontestable

Note spectateur : 5 (1 notes)