CRITIQUE FILM - En choisissant d'ouvrir sa 13e édition avec "The Great Battle", le Festival du film coréen à Paris ne pouvait pas mieux démarrer. Dans ce film épique, une poignée de soldats tente de défendre une forteresse face à l'immense armée de L'Empereur de la dynastie Tang. Un résultat captivant qui allie spectaculaire et jeu de stratégie.
The Great Battle est l’un des gros succès de cette année au box-office coréen avec plus de cinq millions de spectateurs. Un chiffre qui reste loin du record de Roaring Currents (plus de dix-sept millions d’entrée en 2014), mais tout de même très bon. D’autant que, paradoxalement, des deux films cités, The Great Battle serait probablement celui méritant le plus d’attention. Certes, Roaring Currents, fresque épique retraçant la bataille historique de Myeong-Ryang en 1597, pouvait bénéficier d’un récit ultra patriotique, puisque mettant en scène le combat entre une poignée de soldats coréens et l’envahisseur japonais. Quand on connaît l’histoire complexe entre la Corée et le Japon, il ne fait pas de doute que cela puisse pencher dans la balance. Dans le cas de The Great Battle, qui aborde également le genre historique, en traitant du siège de la forteresse d'Ansi par l’Empereur Li de la dynastie Tang, le plaisir s’avère décuplé grâce à une mise en scène virtuose et un récit allant à l’essentiel.
En effet, l’un des problèmes majeurs de Roaring Currents était la lourdeur ambiante et l’absence de dynamisme liée à la volonté de traiter d’une bataille navale sur plus de deux heures sans disposer de protagonistes suffisamment empathiques. The Great Battle a bien compris que pour capter l’attention, pas besoin de complexifier son histoire. La situation est claire : après avoir été balayée par l’armée Tang, celle de l’Empereur de Goguryeo décide de rejoindre la capitale, abandonnant ainsi la forteresse d’Ansi, prochaine étape de Li. Avec ses cinq mille hommes, le général Yang devra repousser les centaines de milliers de soldats qui l’assiègent. Pour se faire, son peuple pourra compter sur son courage, son aura de leader et surtout sur ses talents de tacticiens.
Héroïsme et combats épiques
Devant l’inégalité du nombre (à 5 000 contre 500 000), on repense à 300 de Zack Snyder, dans lequel une poignée d’hommes repoussaient une armée démesurée. Mais c’est également dans les choix de mise en scène de Kim Kwang-sik que le film américain revient en mémoire, au même titre . Sans adopter une esthétique aussi singulière que chez Snyder, Kim Kwang-sik a cette volonté de styliser chacune des séquences de combats par des effets de ralenti, tandis que des mouvements de caméra peuvent rappeler Avengers ou Kingsman. D’ailleurs, on notera la différence majeur entre la première séquence, qui offre une grande bataille entre deux armées difficile à distinguer, et dont le résultat final s’avère assez foutraque, et les suivantes qui se resserrent davantage sur des personnages. Intelligemment, le film emmène ainsi du général au particulier, et à une forme d’intimité grâce à Samul, originaire d’Ansi, mais désigné pour assassiner Yang suite à son refus d’entrer dans le conflit. C’est alors ce personnage, qui prend souvent la place d’un spectateur, qui permettra d’entrer au mieux dans le récit et d’y ajouter, en dépit d’un certain manichéisme, de vraies subtilités.
Impossible dès lors de s’ennuyer devant ces séquences virtuoses et d’une vraie violence. D’autant plus que les affrontements reposent avant tout sur un jeu de stratégie. À chaque assaut mené par l’armée Tang, Yang répondra en conséquence. Que ce soit en passant par des échelles, en fracassant l’entrée principale ou en tentant de pénétrer la forteresse à l’aide de tours de sièges, le général saura s’adapter, tout comme Kim Kwang-sik avec sa caméra. Dans cette surenchère prévisible, le cinéaste a tout pour se faire plaisir et nous divertir comme il faut.
Il parvient ainsi à faire oublier le jeu limité de ses comédiens (habituellement bons dans d'autres genres), la sous-exploitation des personnages féminins et encore une fois le manichéisme ambiant. L’Empereur Li étant l’archétype du méchant envahisseur sans pitié et incapable de se remettre en question, et Yang celui du leader bon, proche de son peuple, valeureux et capable de les transcender. Des éléments qui ne peuvent finalement fonctionner qu’au sein d’une tragédie épique qui s’assume et sait quand être légère ou laisser place à l’émotion. Assurément, grâce à son impressionnante force visuelle, The Great Battle restera comme l’un des blockbusters les plus captivants de cette année.
The Great Battle de Kim Kwang-sik, présenté au 13e festival du film coréen à Paris du 30 octobre au 6 novembre 2018. Ci-dessus la bande-annonce.