CRITIQUE / AVIS FILM – Après un premier long-métrage maîtrisé, la réalisatrice Yoon Ga-eun revient avec un second film, « The House of Us », où pointe encore toute la sensibilité d’une auteure fascinée par le monde de l’enfance, du plus jeune âge à l’adolescence.
En 2016, on découvrait la réalisatrice Yoon Ga-eun avec son premier long-métrage, The World of Us. Cette année-là, le festival du film coréen à Paris avait eu l’idée judicieuse de la mettre à l’honneur en présentant également ses trois courts-métrages, permettant ainsi de cerner la personnalité et la sensibilité de cette auteure. De retour avec The House of Us, son second long-métrage, et cette fois en clôture du festival du film coréen à Paris 2019, elle poursuit son observation du monde de l’enfance en incluant cette fois trois âges, traités jusque-là de manière indépendante dans ses films.
En effet, si The World of Us apparaissait comme une version longue de son premier court-métrage, The Taste of Salvia (2011), The House of Us fait appel à un ensemble de figures vues dans toute la filmographie de la cinéaste. Ici, on y suit Ha-na, une jeune fille de 12 ans qui essaie de maintenir sa famille unie. Ses parents ne s’entendent plus, sont au bord du divorce, et son frère un peu plus âgé préfère rester dans son coin. Ha-na rencontre alors par hasard Yoo-mi et Yoo-jin, deux sœurs plus jeunes qu’elles. Rapidement les trois filles (parfaitement choisies) se lient d’amitié. Et les vacances d’été aidant, elles passent la plupart de leur temps ensemble à se balader dans les rues ou à cuisiner, en totale indépendance de parents absents – du moins ceux de Yoo-mi et Yoo-jin.
Quand trois jeunes filles forment leur propre famille
On retrouve ainsi dans The House of Us le même sentiment aventureux que dans Sprout (second court-métrage en 2013), où une très jeune fille (jouée par Kim Su-an, la gamine de Dernier train pour Busan) partait chercher des pouces de soja au supermarché. Yoon Ga-eun aime intégrer ses protagonistes directement dans la rue, où chaque trajet s’apparente à un long voyage pour ces « petits êtres ». Car la réalisatrice se place toujours à hauteur d’enfant. Une manière pour elle de représenter un monde qui est propre à l’enfance et/ou l’adolescence. Et pour le coup, il faut bien admettre qu’il est rare d’en voir au cinéma une représentation aussi juste et émouvante.
Yoon Ga-eun se balade ainsi avec ce petit trio qu’elle maintient le plus possible dans un cadre resserré. Tandis que le monde adulte, lui, est généralement relégué au second plan ou en hors-champ, comme les parents de Yoo-mi et Yoo-jin qu’on ne verra qu’une fois de dos, au loin, et seront évoqués lors de conversations téléphoniques. Si jusque-là la réalisatrice se défendait de faire une critique du monde adulte, expliquant en 2016 vouloir « uniquement inverser la situation » et « faire des enfants les héros », on ne peut s’empêcher devant The House of Us d’y voir au moins une pique envers les parents. Des parents absents ou trop focalisés sur leurs problèmes personnels pour ne pas voir la détresse de leurs enfants.
Reste que Yoon Ga-eun a cette capacité à maintenir une légèreté et à ne pas tomber dans le pathos, présentant des adultes néanmoins correctes – pas de misère ni de violence chez ses familles, éventuellement un père qui bois un peu trop souvent. C’est de cette manière qu’elle offre quelque chose de lumineux, une sensibilité extrêmement attendrissante. Avec The House of Us, elle passe avec brio du très jeune âge, innocent et naïf, à l’adolescence et ses premières responsabilités. Et sans forcer elle utilise des symboliques simples mais révélatrices du caractère de ses personnages – comme le désir de Ha-na de cuisiner pour avoir enfin un repas en famille. On en oublierait presque alors que les jeunes filles filmées ne sont que des enfants. Et impossible dès cet instant de minimiser leurs sentiments qui bouleversent aisément le spectateur.
The House of Us de Yoon Ga-eun, présenté lors du 14e festival du film coréen à Paris. Ci-dessus la bande-annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.