CRITIQUE / AVIS FILM – Ça y est, les salles de cinéma rouvrent enfin leurs portes. Après trois mois d'absence, les cinéphiles vont de nouveau pouvoir aller voir des œuvres cinématographiques sur grand écran. Pour l'occasion, le lundi 22 juin est marqué par de nombreuses sorties, dont celle de « The Hunt ».
Réalisé par Craig Zobel, The Hunt a fait polémique aux Etats-Unis en raison des fusillades de Dayton et de El Paso qui ont eu lieu peu de temps avant la sortie du film. Le président Trump s'est alors offusqué de cette sortie qui tombait extrêmement mal, puisque le film met en scène un groupe de dirigeants qui, pour se divertir, décident de chasser de simples citoyens américains.
Les politiciens ont alors accusé The Hunt de tous les maux. Pointant du doigt un cinéma violent pour légitimer les excès de folie d'Américains qui ont accès aux armes en libre-service. Ainsi, Universal a quand même choisi de faire profil bas, préférant déplacer la date de sortie au 22 avril sur le territoire américain. En France, il était en bonne voie d'être tout simplement annulé, mais Universal est parvenu à trouver un créneau le lundi 22 juin, date de réouverture des cinémas.
Un survival pas comme les autres
Entre Battle Royale, Hunger Games et American Nightmare, des survivals, il y en a eu légion au cinéma. Un genre délectable, souvent sous forme de série B, à la violence crue et au concept bien huilé. Mais The Hunt a une saveur particulière et se démarque de ses confrères. Ici, il s'agit d'un survival décalé et irrévérencieux, qui joue avec les codes du politiquement correct pour offrir une approche inédite. Parce que Craig Zobel ne s'arrête pas simplement à la violence gratuite. Il préfère tomber dans la caricature volontaire et souvent très drôle. Et il n'a finalement qu'un seul but : dénoncer la bêtise humaine.
Le cinéaste joue avec la formule du film d'horreur. Il prend à contre-pied tous les codes précédemment établis, surtout dans sa première demi-heure. Une entrée en matière renversante où les morts s'accumulent, où les personnages principaux ne sont pas ceux que l'on croit. Les têtes sont coupées, les corps sont éviscérés, les personnages s'effondrent comme des mouches dans une violence presque grotesque poussée à son paroxysme. Une première partie tout simplement bourrée de surprises, que ce soit dans l'écriture, les choix scénaristiques ou dans la mise en scène. The Hunt se joue des attentes des spectateurs de manière très maligne. Les emmenant vers des pistes qui s'avèrent finalement fausses. Une introduction fine et rondement menée qui pose les bases de ce survival dégénéré. L'avertissement est donné : c'est gore, certes, mais c'est aussi très drôle, car rien ne se passe comme prévu.
The Hunt, un film d'horreur ridiculement drôle
Le film cherche en effet à devenir au fil des minutes de plus en plus ridicule. Craig Zobel souhaitant mettre en exergue la stupidité de la situation. Il met alors en relation le port des armes et le paradoxe hypocrite de la "bien-pensance" américaine. Le réalisateur met également en lumière la démagogie raciale et féministe de son pays. L'oppose à cette violence caricaturale certes, mais bien réelle.
Se met alors en place un décalage entre la pensée et l'action, entre les mots et les actes, entre ce qui est dit et ce qui est montré. Et cet écart donne toute sa saveur à The Hunt. Entre quelques punchlines bien senties, le film n'hésite pas à étendre la cervelle de personnages féminins sans aucune distinction avec leurs homologues masculins. Le film joue avec les clichés du genre avec une radicalité qu'il faut souligner. The Hunt s'avère finalement être une réelle prise de risque dans un genre souvent très formaté.
Ainsi, Craig Zobel met en exergue cette société dans laquelle « on ne peut plus rien dire ». Il oppose cette réalité à la violence toujours plus abusive des États-Unis. Ce qui crée un paradoxe de tous les instants dans une nation qui ne sait plus faire la part des choses. The Hunt aborde également la dérive des réseaux sociaux, les guerres médiatiques et politiques, le décalage des richesses. Tant de thématiques que l'artiste place dans son survival violent. Cette fois, ce sont les biens pensants américains les monstres. Des démocrates, des féministes, des avocats, l'élite de la nation qui crée son Hunger Games privé.
The Hunt est ainsi une blague grandeur nature, et joue d'un esprit critique toujours pertinent. Le réalisateur pointe du doigt le décalage des puissances, la hiérarchisation du système, qui repose sur une masse qui sert les profits d'une minorité. The Hunt est presque un film d'anticipation et n'a rien à envier à ses grands frères. Et malgré un ventre mou au milieu du récit, c'est probablement le film le plus fun à voir en cette semaine de réouverture.
The Hunt de Craig Zobel, en salle le 22 juin 2020. Découvrez ci-dessus la bande-annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.