CRITIQUE / AVIS FILM - Près de dix ans après le remarqué "Martha Marcy May Marlene", Sean Durkin livre son second long-métrage "The Nest" dans lequel Carrie Coon fait face à Jude Law.
Le retour tant attendu de Sean Durkin
En 2011 (2012 en France) Sean Durkin se révélait avec son premier long-métrage Martha Marcy May Marlene qui mettait également la lumière sur Elizabeth Olsen. Dedans, la comédienne interprétait Martha, une adolescente qui se réfugie chez sa sœur après avoir passé deux ans dans une secte. Une période de sa vie qu’elle cache avant d’être prise de visions inquiétantes. Près d’une décennie s’est écoulée et Sean Durkin, après avoir réalisé la mini-série Southcliffe (2013), livre enfin son second long-métrage The Nest.
Cette fois, la famille qu’il met en scène a tout pour être heureuse. Allison est une femme active qui donne des cours d’équitation. Ses enfants, adolescents, ont également la belle vie. Mais Rory, le père, n’arrive pas à s’adapter. Il parvient alors à convaincre sa femme de déménager en Angleterre, d’où il est originaire. Il lui assure que là-bas, en rejoignant son ancienne boîte de traders, il pourra enfin s’épanouir. La famille quitte donc une grande maison moderne américaine pour s’installer dans un vieux manoir en pleine campagne londonienne.
La brisure du cercle familial
Avec ce lieu isolé et trop grand pour une aussi petite famille, Sean Durkin met rapidement en place une atmosphère étouffante. Ne filmant que rarement ses personnages en extérieur ou en usant de plans resserrés. De plus, à l’intérieur, il limite l’espace et use judicieusement du sur-encadrement des protagonistes. Allison perd alors ses repères et peine à assurer après que les rôles s’inversent. Car si en Amérique elle était la source de revenu de la famille, sa nouvelle vie est désormais celle d’une femme au foyer.
Sauf que The Nest ne montre jamais l’homme comme un socle solide et rassurant pour l’avenir de la famille et son mariage. Rory est un menteur, un beau parleur qui dans les soirées mondaines s’invente une vie de luxe. Un homme totalement dans le paraître - qui décrit sa femme comme une belle blonde américaine -, prêt à dépenser l’argent qu’il n’a pas pour impressionner la haute bourgeoisie.
Face à lui, Allison devient alors un superbe personnage féminin qui par cette crise se révèle comme la véritable cheffe de famille capable de survivre à toutes les épreuves et de garder une forme d'indépendance au sein de ce mariage en dérive. Preuve en est, cette séquence géniale où Allison et Rory sont dans un restaurant chic. Ayant découvert la vérité, que Rory dépense bien plus qu’ils n’ont, elle le met face à ses responsabilités en passant, elle, une commande onéreuse auprès du serveur. Et tandis que Rory tente de reprendre les choses en main en voulant goûter le vin, c’est au goulot qu’elle s'en charge avant de lancer un regard triomphant à son mari. Allison 1, Rory 0.
Par cette rupture qui s'opère au sein du couple, porté par le très bon duo d’interprètes que forment Carrie Coon et Jude Law, The Nest, d'une puissante sobriété, montre la lente cassure du cadre familial. Mais, surtout, le film insiste sur le fait que cette brisure est provoquée par les désirs capitalistes d’un homme, dont découle un retour du patriarcat. Il est très intéressant de voir Sean Durkin placer constamment Allison dans des situations dont elle ressort en réalité vainqueure ou dont elle peut reprendre le contrôle face à Rory de plus en plus enfantin. Le réalisateur le montre subtilement en filmant un acte sexuel qui ne s’arrête qu’après son orgasme à elle, en la faisant quitter prématurément un repas d’affaires de Rory, et évidemment en terminant sur ce superbe plan d’elle en tête de table alors que tous ont touché le fond. Tout un symbole.
The Nest de Sean Durkin, disponible sur MyCanal. Ci-dessus la bande-annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces. Le film était présenté au 46e festival de Deauville.