The Substance : comédie d’horreur sexy et génialement grotesque

The Substance : comédie d’horreur sexy et génialement grotesque

CRITIQUE / AVIS FILM - Coralie Fargeat risque de diviser avec "The Substance" un body horror comique autour du culte de la beauté et de la jeunesse éternelle. Une proposition tantôt sexy, tantôt écœurante, avec Demi Moore et Margaret Qualley.

The Substance : un body horror décalé mais engagé de Coralie Fargeat

Après avoir proposé avec Revenge (2017) une sympathique série B de rape and revenge, Coralie Fargeat a décidé de se lâcher avec The Substance. Son deuxième long-métrage était présenté au 77e Festival de Cannes en Compétition Officielle, et nul doute que ce body horror divisera tant la réalisatrice s’éclate pour le plus grand plaisir de certains, et pour le pire des autres. Elle imagine ici un produit merveilleux qui permet à son utilisateur de donner vie à "une meilleure version de lui-même". Ce qui va intéresser Elizabeth (Demi Moore), une ancienne gloire du cinéma reconvertie coach de fitness pour un programme de télévision – comme Jane Fonda et bien d’autres ont pu faire dans les années 1980.

The Substance
The Substance ©Metropolitan FilmExport

Comme on l’entend souvent, passé un certain âge, lorsqu’on est une femme, il devient difficile de s’en sortir dans le monde du showbiz. C’est ainsi qu’Elizabeth se retrouve remerciée du jour au lendemain par le producteur de l’émission (Denis Quaid qui en fait des caisses), qui recherche de la nouvelle chair fraîche à exploiter. Cela tombe bien, grâce à "la Substance", Elizabeth donne naissance à une version plus jeune et plus belle d’elle-même, Sue (Margaret Qualley). Il leur faudra cependant toutes les deux alterner, avec une semaine pour l’une, et une semaine pour l’autre. Durant 7 jours, Sue peut vivre sa vie pendant qu’Elizabeth reste un corps inerte, nourri par un liquide. Seulement ce partage ne suffira bientôt plus à l’une, et provoquera de terribles conséquences pour l’autre.

Du grotesque assumé et qui explose la rétine

Le concept de The Substance est bien trouvé de la part de Coralie Fargeat qui y va d’un discours sur le culte de la beauté et le désir d’une jeunesse éternelle, dans le monde de la vulgarité et du superficiel. La réalisatrice ne s’embarrasse d’aucune subtilité pour sa critique du patriarcat avec des hommes tous plus écœurants et ridicules les uns que les autres, hypnotisés par les corps parfaits des femmes.

On n’est pas loin d’un fond aussi neuneu que Barbie (2023), mais en réalité Coralie Fargeat se montre plus maligne dès lors qu'on creuse un peu. Notamment par sa manière de passer en un instant d'une image attirante et sexy, quasiment érotique, à quelque chose d'écœurant ou effrayant (comme cette cuisse de poulet qui vient déformer le corps "parfait" de Sue). Ce genre de contraste a par exemple été utilisé par Brian De Palma (Carrie, Pulsion, Body Double...), ou encore dans le sous-côté Jennifer's Body (2009).

The Substance ©Metropolitan FilmExport
The Substance ©Metropolitan FilmExport

On peut néanmoins se demander s’il était vraiment nécessaire de filmer autant le cul de Margaret Qualley, sous tous les angles et en très gros plans, tel le clip Satisfaction de Benny Benassi. C’était d’ailleurs déjà le cas avec Matilda Lutz dans Revenge. Mais Coralie Fargeat va encore plus loin ici, affichant son désir de rendre son actrice plus canon que jamais et de la déshabiller dès que possible.

Demi Moore géniale face à Margaret Qualley

Du moins, jusqu’à ce que l’équilibre entre Sue et Elizabeth ne soit plus respecté et que la situation vire au chaos. C’est là que Demi Moore devient absolument remarquable. Au moment où une sorte de colocation de l’enfer se met en place avant une autodestruction des corps de chacune. Voulant s'amuser de tout ce qu’on peut être prêt à sacrifier pour une jeunesse éternelle, Coralie Fargeat se montre impitoyable et met à mal ces corps, rendant le visionnage de certaines scènes insupportables pour les plus sensibles. L’auteur de ces lignes n’étant pas particulièrement à l’aise à la vue d’une aiguille qui s’enfonce dans la peau, c’est peu dire que The Substance fut rude à voir.

The Substance
The Substance ©Metropolitan FilmExport

Coralie Fargeat assume entièrement le caractère grotesque de son œuvre dans un final déjanté et chaotique, qui convoque tout un tas de références juste pour le plaisir (de Dorian Gray à Elephant Man en passant par Vertigo et Carrie). On ne peut pas dire que la réalisatrice n’a pas été généreuse, avec sa mise en scène virtuose qui contrebalance parfaitement avec une économie de dialogue qui va bien à ses deux héroïnes. Il ressort ainsi de The Substance quelque chose de jouissif. Un grand n’importe quoi sanglant, dégueulasse et bordélique, qui se fout royalement de trop en faire. Une merveilleuse monstruosité qui ne laissera personne indemne.

The Substance de Coralie Fargeat, en salles le 6 novembre 2024. Le film était présenté au Festival de Cannes en Compétition Officielle. Ci-dessus la bande-annonce.

Conclusion

Note de la rédaction

Coralie Fargeat se lâche avec "The Substance" en proposant un body horror qui assume un caractère grotesque pour mieux dénoncer le culte de la beauté. Un film provocant, plus drôle que terrifiant, qui n'est pas sans rappeler certaines œuvres de Brian De Palma.

Note spectateur : Sois le premier