CRITIQUE / AVIS FILM - Avec "The Suicide Squad" James Gunn jouit d'une grande liberté pour mettre en scène une nouvelle mission suicide avec des super-vilains de l'univers DC incarnés par Margot Robbie, Idris Elba, John Cena ou encore la révélation Daniela Melchior.
On prend (presque) les mêmes et on recommence
Même avec plus de 700 millions de dollars au box-office mondial, Suicide Squad (2016) est considéré comme un échec pour Warner. Réalisé par David Ayer, le film fut incendié par une bonne partie de la presse et du public. Mais difficile d’abandonner totalement l’idée de mettre en scène une équipe de super-vilains de l’univers DC quand autant d’argent a été engrangé. C’est la raison pour laquelle Warner a profité de la mise à l’écart temporaire de James Gunn par son concurrent Disney/Marvel pour engager le réalisateur sur The Suicide Squad.
Quasiment le même titre, un simple ajout de “The” comme pour signifier que le vrai film sur la Suicide Squad est celui-ci, et nous faire oublier le précédent tout en réutilisant certains éléments. Une suite qui n’en est pas vraiment une donc. Mais qui profite de ce qui a déjà été fait pour accélérer sa mise en place.
Ainsi, pas besoin de tergiverser. En deux phrases Amanda Walker (Viola Davis) rappelle la marche à suivre pour un super-vilain de la prison Belle Reve. S’il accepte de participer à une mission suicide dirigée par le colonel Rick Flag (Joel Kinnaman) et qu’il survit, il aura droit à une réduction de peine. James Gunn ne s'embarrasse pas avec les détails et ni une ni deux nous voilà sur une plage avec une équipe d’allumés qui tire sur tout ce qui bouge. Le ton est donné. Une première séquence complètement folle (comme sa conclusion) de la part d’un réalisateur avant tout là pour s’amuser en bénéficiant d’encore plus de liberté que chez Disney. Pas sûr que la firme aux grandes oreilles accepte un jour de montrer dans une production Marvel un pénis, une overdose ou encore des litres d'hémoglobine. Chez Warner/DC, c’est possible, et James Gunn en profite.
Bloodsport et Ratcatcher, stars de The Suicide Squad
Devant la caméra, on retrouve Rick Flag interprété par Joel Kinnaman, plus à l’aise avec la tonalité proposée par James Gunn. Avec lui, Margot Robbie rempile pour offrir quelques passages mémorables en Harley Quinn. Mais celle-ci n’est pas la star du film. Et reste finalement assez en retrait pour laisser les nouveaux membres s’exprimer au mieux. D’abord, Idris Elba en Bloodsport qui doit mener cette équipe d’ahuris. Puis, Daniela Melchior en Ratcatcher II.
Tous les deux sortent clairement du lot dans The Suicide Squad. Idris Elba participe avec classe aux séquences d’action, fait preuve d’autodérision en jouant à celui qui a la plus grosse avec le génial Peacemaker (John Cena, parfait dans ce registre), et amène de l’émotion dans ses passages avec la jeune comédienne portugaise. Des moments qui permettent autant de révéler le passé touchant et tragique de Ratcatcher II que la fragilité de Bloodsport. Ainsi, le duo se complète à merveille et Daniela Melchior, dont c’est le premier rôle majeur au cinéma, se révèle comme une actrice à suivre.
Pourtant, lors de la préparation de The Suicide Squad, le choix des personnages pouvait laisser perplexe. Ratcatcher II, inconnue du grand public, a par exemple pour superpouvoir de contrôler les rats. Un rongeur jugé repoussant pour la majorité. Comment faire alors pour que le public porte un intérêt, une empathie, une fascination pour ce personnage ? Il en va de même pour le simplet King Shark (mi-homme, mi-requin) et le sociopathe Polka-Dot Man qui s'ajoutent à l’équipe. Des personnages qui, de prime abord, n’en imposent pas avec des costumes volontairement un peu cheap.
James Gunn à son meilleur
C’est là toute la force de James Gunn. Dans The Suicide Squad, il rend beau et passionnant ce qui est laid et rebutant. Principalement dans ses séquences d’action créatives. Il y a cette séquence dynamique dans la jungle conclue par un twist génial, ce combat filmé à travers le reflet d’un casque, cette explosion de violence d’Harley Quinn pleine de fantaisie, ou encore cette attaque coloré des rats dans un œil géant. James Gunn joue sur le décalage entre l’horreur des faits et une représentation enjolivée, sans pour autant minimiser la violence.
Une position qui lui permet de comprendre au mieux ces laissés-pour-compte, mais aussi de casser les codes et de mélanger les genres. Le temps d’un instant, il nous propose même une comédie romantique avec Harley Quinn. En cela, le cinéaste se surpasse après Les Gardiens de la Galaxie (2014) et sa suite. Le premier étant sympathique et se démarquait surtout par sa singularité vis-à-vis du classicisme des autres productions Marvel.
Ainsi, The Suicide Squad est le parfait contre-pied de son prédécesseur. Plus drôle, plus fun, plus créatif et mieux maîtrisé à tous les niveaux. Le film s'imprègne de la folie de ses personnages (les visions traumatisantes de Polka-Dot Man sont excellentes) avec beaucoup de tendresse. On peut néanmoins lui reprocher un scénario un peu faiblard. Car derrière toutes ces extravagances, il y a tout de même une mission à accomplir pour Bloodsport et son équipe. Une histoire générale qui ressemble à celle d'Expendables (2010). À ce niveau, The Suicide Squad manque d’ambition. Le film se contente d’être un bon divertissement, mais avait plus de potentiel. Il pose néanmoins de bonnes bases avec des personnages qu’on espère retrouver pour de nouvelles missions.
The Suicide Squad de James Gunn, en salle le 28 juillet 2021. Ci-dessus la bande-annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.