CRITIQUE / AVIS FILM - Dans "The Wolf Hour" Naomi Watts ne parvient plus à sortir de chez elle. Ancienne romancière, il lui faudra affronter ses peurs et se reconstruire par l'écriture.
Passer une heure et demi enfermé dans un appartement avec Naomi Watts ne devrait pas être quelque chose de très déplaisant. Au contraire, dans la vie de tous les jours, on serait ravi de pouvoir discuter avec une actrice disposant d'une carrière aussi passionnante qu'elle. Mais dans The Wolf Hour, l'envie serait plutôt à la fuite. Car June, le personnage qu'elle interprète, est une ancienne romancière à succès qui, suite à un traumatisme, s'est retranchée dans un petit appartement du Bronx. On imagine que cela fait des mois, peut-être des années qu'elle n'est pas sortie de chez elle et, sans être une véritable porcherie, son appartement laisse à désirer ; poussiéreux, sombre, avec des poubelles qui s'accumulent et des livres qui traînent un peu partout.
Un concept limité et une morale douteuse
Ne parvenant même pas à franchir le pas de sa porte, June a recours à un minimum d'aide de l'extérieur pour survivre, notamment en se faisant livrer ses courses. Mais ses rapports sociaux restent réduits au minimum, la maintenant dans une profonde névrose. En faisant se dérouler le film en juillet 1977, en pleine canicule et alors qu'une panne de courant s'apprête à plonger la ville de New York dans le noir durant deux jours, le réalisateur Alistair Banks Griffin parvient à créer une ambiance poisseuse et à instaurer un sentiment d’insécurité. L'insécurité ressentie par le personnage qui, potentiellement paranoïaque, se croit harcelé par quelqu'un qui sonne régulièrement à son interphone. Malheureusement, The Wolf Hour s’essouffle bien rapidement et paie son concept de huis clos.
Le réalisateur a souhaité maintenir June dans ce décor pour la forcer à faire un travail sur elle qui, in fine, devrait lui permettre de dépasser son angoisse, d'accepter ses erreurs du passé et donc de se reconstruire. Le problème est que, pour en arriver là, le scénario ne propose rien d'extraordinaire, mais plutôt une succession de rencontres assez banales qui auraient pu se substituer à d'autres ; un policier sans moral, un gentil escort boy, une ancienne amie ou encore un jeune livreur. On a dû mal à croire, par leur implication et leurs conseils minimes, que ces protagonistes puissent déclencher quelque chose chez June pour la faire réagir. Une réaction qui se traduira par un retour à l'écriture pour June, ce qui est loin d'être original.
Dès lors, sans être désagréable, The Wolf Hour n'offre rien de vraiment surprenant. Et la tension finit rapidement par retomber. Mais là où le bât blesse, c'est dans la vision maladroite du réalisateur sur le monde extérieur. June est donc une femme blanche issue d'un milieu aisé qui, après son premier roman et en dépit de son succès, s'est enfoncée dans ce lieu glauque. Un quartier qu'elle craint, regardant inlassablement par la fenêtre les jeunes noirs qui traînent. Une opposition se fait alors ressentir dans le film entre deux communautés. Le monde bourgeois blanc qui, même au plus mal, continue de regarder le monde vers le bas, et un petit milieu criminel noir prêt à exploser. Une vision plus que limite qui, encore une fois, on espère n'est qu'une maladresse de la part d'Alistair Banks Griffin. Reste que le dernier plan, celui de la réinsertion de June dans son milieu bourgeois, a malheureusement de quoi faire froid dans le dos.
The Wolf Hour de Alistair Banks Griffin, présenté au 45e festival de Deauville, prochainement dans les salles. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.