CRITIQUE FILM - Projeté l'année dernière au Festival du cinéma d'animation d'Annecy, "Tito et les Oiseaux" mettait à l'honneur la délégation brésilienne. Une oeuvre passionnante et critique d'une société contemporaine inégale.
Réalisé par Gustavo Steinberg, Gabriel Bitar et André Catoto Dias le long-métrage raconte le quotidien de Tito, un jeune garçon qui vit seul avec sa mère mais voue un culte pour son père scientifique disparu. Une étrange épidémie se déclare dans sa ville et transforme les habitants en pierre. Film d'animation brésilien, Tito et les Oiseaux utilise une animation hybride entre effets numériques et peinture à l'huile.
Un film visuellement bluffant
Ce procédé d'animation s'inspire des mouvements expressionnistes européens du début du XXème siècle. C'est certainement la grande force de ce dessin animé : son animation métissée. Celle-ci permet de varier les plaisirs mais surtout d'offrir une approche inédite à l'animation. L'équipe technique a également ajouté un effet de distorsion sur l'arrière plan. Effet qui s'accentue au fur et à mesure que l'épidémie se propage. Mais cette animation toute particulière demande un temps d'adaptation pour le spectateur. Car celle-ci, même si techniquement demande beaucoup d'implication, est visuellement très différente des productions animées lambda, ce qui nécessite un temps d'appréhension. Gabriel Bitar revient sur le processus en détail :
Par exemple, nous avons photographié des coups de pinceau à la peinture à l’huile, que l’équipe numérique intégrait à ses animations. Puis, des textures et des traits de peinture étaient encore ajoutés afin d’améliorer l’ambiance lumineuse, les ombres et d’autres effets comme la fumée, le feu, etc.
L'utilisation de la peinture sur verre offre un rendu unique parfaitement exploité par Tito et les Oiseaux. Une expérience visuelle inédite, qui, en plus, n'est pas dénuée d'écriture.
Une critique sociale déguisée
Le long-métrage prend place dans la ville natale des cinéastes : Sao Paulo. Ainsi, le trio sait de quoi il parle et dépeint l'ambiance qui règne dans leur cité. Ils témoignent de l'atmosphère actuelle qui prédomine. Surnommée la ville des murs en raison des nombreuses clôtures érigées par la population, les cinéastes ont tenté de rapporter cette réalité dans leur dessin animé. La peur, la précarité et la pauvreté entraînent un climat d'inquiétude auprès du peuple qui s'enferme pour se protéger. Le fossé entre les riches et les pauvres augmente tandis que les politiciens élus ne font rien pour tenter de sauver la démocratie. Tito et les Oiseaux, à travers son histoire d'épidémie raconte cette vérité. La transformation des gens en pierre n'est qu'une allégorie d'un système corrompu qui manipule sa population. Une manifestation de l’ignorance du peuple et du rejet d'autrui. On regrettera simplement une conclusion qui manque cruellement d'originalité et qui peine à terminer son histoire. Trop enfantine elle ne convainc pas totalement pour son rendu un peu trop expéditif.
Ainsi, Tito et les Oiseaux parvient à s'adresser aux enfants comme aux adultes grâce à cette double lecture. Les cinéastes parviennent à aborder des thématiques sombres comme la pauvreté, la violence ou la ségrégation par le prisme de l'enfance. Finalement, Tito et les Oiseaux est un film dystopique apocalyptique mais enfantin. Parce que cette histoire est également empruntée au cinéma de la bande de Spielberg, qui mettait en scène des groupes de gamins téméraires prêts à sauver la ville. Tito et les Oiseaux est un digne héritier des Goonies dans lequel les enfants font la loi. C'est aussi une manière d'opposer l'enfance à l'adulte, allégorie de la dualité entre puissants et citoyens. Des citoyens qui ne sont pas écoutés, qui doivent se débrouiller seuls, tandis que les puissants restent aveugles et sourds.
Tito et les Oiseaux de Gustavo Steinberg, Gabriel Bitar et André Catoto Dias en salles dès le 3 avril 2019. Ci-dessus la bande-annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.