CRITIQUE / AVIS FILM - Dans « Tout simplement noir », Jean-Pascal Zadi prête ses traits à un acteur dont la carrière est en berne, qui décide d’organiser la première grande marche de contestation noire en France. Pour porter son message, il se tourne vers des célébrités qui ont toutes accepté de jouer de leur image dans le film.
Une maîtrise de l’absurdité
Connu pour la mini-série Craignos, Jean-Pascal Zadi débarque au cinéma avec Tout simplement noir, co-réalisé avec son compère John Wax. Après avoir fait ses armes sur plusieurs thrillers modestes sortis directement en DVD, dont African Gangster et Sans pudeur ni morale, l’ancien rappeur du groupe la Cellule passe un palier supérieur avec cette comédie.
Tout simplement noir débute sur la scène de présentation d’un documentaire centré sur JP, un acteur de 40 ans qui n’a jamais eu l’occasion d’exploiter le potentiel qu’il est persuadé d’avoir. Alors que sa carrière est au point mort, JP décide d’organiser la première marche de contestation noire en France, à la date célébrant l’abolition de l’esclavage dans le pays. Pour rassembler un maximum de monde, il tente de se rapprocher des personnalités influentes de la communauté. Et les résultats de ces rencontres vont souvent à l’encontre de ses attentes.
Portée par l’incontournable Ante Up de M.O.P, la bande-annonce de Tout simplement noir déployait un rythme d’une redoutable efficacité, promettant une multitude de caméos mémorables. L’ouverture du film contraste nettement avec ces premières images. En se présentant, Jean-Pascal hésite, bafouille et peine à mettre de la ferveur dans son speech, incapable de rester concentré face aux allers-retours de sa compagne incarnée par Caroline Anglade.
Ces ruptures de ton s’enchaînent durant tout le long-métrage, et les amateurs de la mini-série Craignos apprécieront sans doute de retrouver une cadence similaire. En faisant durer des confrontations où JP s’enfonce souvent de manière hilarante, que ce soit face à Soprano ou Omar Sy, le malaise opère et les différents sketches sont réussis. Le film décolle véritablement lorsque les invités jouent à fond la carte de l’absurdité, à l’image d’Eric Judor, dont la courte performance est digne de celle de Platane.
Un enchaînement de sketches qui évite la futilité
Le défi des réalisateurs Jean-Pascal Zadi et John Wax, et du co-scénariste Kamel Guemra, était d’apporter une vraie structure narrative à Tout simplement noir, afin d’éviter la compilation futile d’apparitions prestigieuses. Ils y parviennent en mettant sans cesse en cause la sincérité de la démarche de JP, à deux doigts de sombrer entièrement dans son trip mégalo. Ils offrent ainsi une évolution cohérente au personnage principal, qui s’emmêle les pinceaux dans ses engagements militants et verse dans les clichés qu’il est censé dénoncer avant d’être rappelé à l’ordre.
Progressivement, Tout simplement noir dévoile l’intimité de son personnage principal, à commencer par l’éducation qu’il a reçue et le cocon familial qu’il a construit. L’admiration d’une poignée de personnes vaut mieux qu’une adulation faussée d’une majorité, comprend JP à la fin du film. La fierté est pour la première fois visible sur son visage dans les instants qui précèdent le générique, où la vie personnelle du protagoniste prend enfin le pas sur sa propre personne.
L’humour permet par ailleurs au long-métrage de soulever des questionnements au lieu d’offrir des réponses prémâchées sur un sujet éminemment complexe. Éviter la leçon de morale tout en pointant du doigt les dizaines de paradoxes d’un pays au passé colonial et de ses citoyens était un challenge, que les réalisateurs ont su relever avec habileté. Revendications stériles, stéréotypes racistes dissimulés sous une bienveillance puante, retournements de veste adaptés aux intérêts personnels et à l’évolution des tendances Twitter… Tout simplement noir tourne en dérision des postures hypocrites avec un sens de la réplique aiguisé, sans oublier de raconter l’histoire touchante d’un homme qui continue de se chercher.
Tout simplement noir de Jean-Pascal Zadi et John Wax, en salle le 8 juillet 2020. Ci-dessus la bande-annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.