Toute ressemblance : plus dure sera la chute

Toute ressemblance : plus dure sera la chute

CRITIQUE / AVIS FILM - "Toute ressemblance" est une sympathique immersion dans le monde des médias basée sur la réalité vue par Michel Denisot, grand roi du PAF, avec Franck Dubosc et Jérôme Commandeur.

Michel Denisot a traversé le paysage audiovisuel français depuis près de quarante-cinq ans et il a exercé presque tous les métiers, depuis animateur, présentateur sportif, producteur et présentateur de journaux télévisés. Il a toujours eu la réputation d’un homme bien élevé, affable, non-conflictuel et non dénué d’un certain humour. Toute ressemblance, le premier film qu’il réalise et co-écrit avec Karine Angeli, est à l’image du bonhomme et de sa réputation : c’est un film bien élevé.

Ça aurait pu être une satire grinçante, du même genre que L’idéal, réalisé par Frédéric Beigbeder qui ridiculisait méchamment et outrageusement le milieu de la mode. Mais Michel Denisot a plutôt pris le parti de ne pas dénoncer, mais de se moquer gentiment. Il a décidé de ne pas trop pointer du doigt, mais de soulever brièvement le tapis et montrer au grand jour ce qui se trame dans les coulisses et dont il n’y a pas de quoi être fier. Puis de remettre correctement le tapis en place, intimant au spectateur de reprendre gentiment sa place devant son petit écran, à bien écouter le présentateur du JT. Ce qui fait de Toute ressemblance un film très - trop - politiquement correct, à la limite de l’ennui. Le film manque en effet de niaque, comme s’il s’agissait de ne surtout fâcher personne… On ne sait jamais. Les trois points de suspension qui apparaissent d’ailleurs au début du générique, à la suite du titre, disparaissent à la fin. Comme si la boucle était bouclée et qu’il n’y avait plus rien à rajouter.

Le film, inspiré de la réalité du cirque médiatique, raconte manifestement tout ce qu’il y a à savoir dans ce milieu. Par le biais du héros, le journaliste Cédric Saint-Guérande (Franck Dubosc), présentateur vedette de La Grande Chaîne dont on se plaît à tenter de découvrir à qui il est fait référence, de Poivre d’Arvor, Laurent Delahousse, Gilles Bouleau, Michel Drucker ou de Nikos Aliagas, qui apparaissent d’ailleurs dans le film. Ainsi que Laurence Ferrari et Anne-Sophie Lapix, vraisemblablement à l'origine du personnage de Florence (Jeanne Bournaud), la présentatrice du week-end qui lorgne la place de son alter ego du soir.

Le pouvoir médiatique est-il encore le véritable pouvoir ?

On suivra donc, du point de vue de CSG, son ascension au pouvoir alors qu’il se saisit de l’absence du présentateur vedette pour être à l’antenne le soir des attentats du 11 septembre 2001. Puis son maintien au pouvoir pendant 18 années, à force de talent et de charisme mais aussi grâce à l'entourage de sa garde rapprochée. Comme son ami fidèle docile Thierry (Jérôme Commandeur) - qui deviendra un producteur forcené et finira pas s’affranchir de l’ombre de CSG -, sa rédactrice en chef Guilaine (Maryline Canto), son chauffeur qui couvre ses escapades, son dealer toujours prêt à lui filer des petites pilules, et son ami Ministre de la Culture (Laurent Bateau) qui a l’art de se retrouver dans des situations délicates.

Tout y est dans la vie de CSG, que le réalisateur ne rend pas très sympathique : mensonges, chantages, drogues, injections de botox, fiesta. Il a aussi une ex-femme, un fils ado qui fait des tutos sur son téléphone et une nouvelle femme dont il est très amoureux, Elisa (Caterina Murino). CSG peut également compter sur le soutien de fans absolues, symbolisées par sa concierge Maïté (Sylvie Testud). Les personnages sont très caricaturaux mais permettent sans doute de mieux faire comprendre au spectateur béotien comment nagent requins et petits poissons dans ce panier de crabes qu'est le grand bassin des médias.

Et pour l’appâter, on lui montre aussi dans l’aquarium quelques célébrités du spectacle ou du sport qui font une brève apparition dans le film, notamment Alain Delon. Un mélange des genres, renforçant peut-être l’idée que la fiction rejoint toujours la réalité… Pourtant, en l’absence d’une dramaturgie musclée et malgré quelques tentatives saupoudrées à propos d’une interview de Trump, de la révélation d’un scandale politique ou de l’impact des drogues que prend CSG, la fiction de Toute Ressemblance ne vaut pas la réalité.

Denisot brosse donc le portrait d’un entre-soi que vient bousculer Julien Demaistre (Denis Podalydès) énarque qui n’appartient pas au sérail, recruté pour diriger La Grande Chaîne et accompagner le numérique. Car on est bien en 2019 et au tournant d’une nouvelle ère médiatique et Toute ressemblance critique aussi le rôle de plus en plus important des réseaux sociaux et le piège des fake news dans lequel il est si facile de tomber, comme le prouvera CSG à l’une de ses collègues pour se venger de Demaistre. Car entre ces deux-là, grands fauves d’un autre temps et sous l’œil arbitre des administrateurs et des paparazzis, ce sera la guéguerre que le réalisateur n’hésite pas, pour le coup, à tourner en ridicule.

Regarder Toute ressemblance, c’est finalement un peu comme feuilleter un livre de maximes qui décrivent les différentes péripéties de ces coups bas : tous les moyens sont bons, tout se paye un jour, chaque pot a son couvercle, il ne faut jurer de rien et plus dure sera la chute. Sauf que malgré quelques bons moments et quelques rires, une musique et un rythme punchy… On reste pourtant sur notre faim.

 

Toute ressemblance de Michel Denisot, en salle le 27 novembre 2019. Ci-dessus la bande-annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.

Conclusion

Note de la Rédaction

Malgré un bon casting, "Toute ressemblance" dresse un portrait réaliste des acteurs et des enjeux du monde médiatique, mais manque un peu de piquant.

Note spectateur : Sois le premier