Trois mille ans à t’attendre : George Miller trouve l’apaisement après la fureur

Un conte superbe

Trois mille ans à t’attendre : George Miller trouve l’apaisement après la fureur

CRITIQUE / AVIS FILM – Sept ans après "Mad Max : Fury Road", George Miller est enfin de retour avec "Trois mille ans à t’attendre". Un long-métrage moins enragé que son prédécesseur, mais tout aussi ambitieux et à travers lequel le cinéaste déploie une nouvelle fois ses talents de conteur.

Trois mille ans à t’attendre : la mort de la mythologie ?

George Miller ne cesse de s’interroger sur la puissance des mythes. Dans Happy Feet, un manchot surpasse sa condition et prend conscience de son potentiel unique au cours d’une odyssée épique. Dans Mad Max : Fury Road, des guerriers mourants continuent d’avancer dans un monde post-apocalyptique en feu et se sacrifient au nom du moteur V8.

Avec Trois mille ans à t’attendre, le cinéaste se penche à nouveau sur le besoin de se rattacher à des symboles pour survivre. Il revient aux sources des récits, reprenant notamment des éléments des textes sacrés. Alithea, narratologue incarnée par Tilda Swinton, assure dans la première partie du film que la science deviendra dans le futur le point de repère que représentent les mythes aujourd’hui. Un constat qui laisse entendre que les fables et les contes sont voués à disparaître ?

Trois mille ans à t’attendre
Alithea (Tilda Swinton) - Trois mille ans à t’attendre ©Metropolitan FilmExport

L’affirmation de ce personnage solitaire plongé dans ses ouvrages et déçu en amour, n’ayant ni famille ni véritables amis, est contredite lorsqu’un djinn interprété par Idris Elba sort d’un flacon acheté dans un marché d’Istanbul. Cet être mystérieux lui propose alors d’exaucer trois de ses vœux. Une offre qui soulève logiquement des inquiétudes, puisque la morale veut souvent que l’abandon aux désirs les plus chers comporte des conséquences néfastes.

George Miller did it again

Pour la convaincre de ses bonnes intentions, le djinn va lui raconter ce qui lui est arrivé au cours des 3000 ans qui viennent de s’écouler. Débutent des flashback à l’esthétique surprenante, se rapprochant davantage des peintures antiques égyptiennes ou de l’univers de Tarsem Singh (The Fall, The Cell) que des précédentes œuvres de son auteur. Un parti pris qui fait que Trois mille ans à t’attendre étonne autant après Mad Max : Fury Road que Les Sorcières d’Eastwick ne le faisait après Mad Max : Au-delà du dôme du tonnerre.

Trois mille ans à t’attendre
Tapis rouge cannois de Trois mille ans à t’attendre © Isabelle Vautier pour cineseries.com

Si le teaser annonçait un montage frénétique, il n’en est rien. Nettement plus posé dans son rythme que la dernière virée de Max Rockatansky, le long-métrage fourmille en revanche de folies visuelles. Une mise en scène que certains qualifieront de kitsch mais que le réalisateur assume totalement, en partie par le biais de plusieurs touches d’humour mais aussi d’Alithea, qui déclare être victime d’hallucinations "grossières".

Ceux qui parviendront à se laisser porter par les fables du djinn seront probablement bouleversés par la complexité de ses relations, par son errance infinie et par sa bonté.

Une croyance au-dessus de tout

Dès lors qu’Alithea fait le choix de croire ou de ne pas croire aux bonnes intentions du génie, le film prend une tournure inattendue, mêlant l’espoir à des sentiments déchirants. Un espoir qui naît de la croyance inébranlable en un avenir meilleur, ultime rempart contre l’abandon.

Si le spectateur s’était déjà attaché au djinn en découvrant son passé, son évolution dans les trente dernières minutes s’avère encore plus poignante. Quant à l’héroïne, ses décisions lui permettent enfin de vivre des histoires qu’elle s’était contentée d’étudier, et sa solitude n’a plus du tout le même sens quand le générique de fin apparaît.

Trois mille ans à t’attendre
Le djinn (Idris Elba) - Trois mille ans à t’attendre ©Metropolitan FilmExport

Les histoires existent avant tout pour nous permettre de nous améliorer. Le message est basique, évident, mais a rarement été affirmé avec autant de ferveur et d’ambition au cinéma ces dernières années. Œuvre porteuse d’espoir qui rappelle qu’un propos simple comme "l’amour vaincra" peut être exprimé de mille et une manières, Trois mille ans à t’attendre parvient à concilier avec brio l’apaisement dans le fond et la folie dans la forme. Un long-métrage étrange, osé et parfois déstabilisant, ce qui le rend passionnant.

Trois mille ans à t’attendre de George Miller, en salles le 24 août 2022. Ci-dessus la bande-annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces. Le film était présenté au Festival de Cannes 2022 hors compétition.

Conclusion

Note de la rédaction

À mille lieues de "Mad Max : Fury Road", "Trois mille ans à t’attendre" prouve (si cela était encore nécessaire) que George Miller peut tout faire. Passionnante et déstabilisante, cette rencontre entre une héroïne solitaire et un mystérieux génie est remplie de folies visuelles déconcertantes, de sentiments désarmants, et prend une tournure déchirante.

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