CRITIQUE / AVIS FILM - Netflix et les frères Russo ont chargé le réalisateur Sam Hargrave d'envoyer du bois dans un film d'action où Chris Hemsworth fait briller son talent d'action hero, dans une destruction systématique de ses adversaires et de son environnement. Ça s'appelle "Tyler Rake", et c'est plutôt très réussi.
Tyler Rake, qui sort sur Netflix le 24 avril se propose des défis qu'il réussit presque tous. Si l’on revient deux décennies en arrière, l’avènement dans le paysage hollywoodien de personnages tels que Jason Bourne, Bryan Mills (Taken) et Jack Bauer, auxquels on peut ajouter James Bond version Daniel Craig, a imposé une marque forte d’héros s'essayant à la complexité, des pères et des amants souvent, avec des passés complexes et violents encore plus souvent. Des éléments à équilibrer avec une action qui doit innover, ce qui n’est jamais simple. Avec une approche décomplexée du sujet, John Wick s’est établi en 2014 comme la star de ce petit milieu, avec une action démente, une identité et un passé qui existent douloureusement mais ne le torturent pas. Cette justesse de la relation à la souffrance est l’écueil principal dans la définition d’un héros d'action auquel on doit s’attacher, et Tyler Rake, prétendant à la ligue professionnelle des action heroes qui comptent, s'en tire plutôt bien.
Tyler Rake, un sérieux concurrent à John Wick ?
Chris Hemsworth, après avoir montré qu’il savait porter l’uniforme de combat et les armes à feu dans Horse Soldiers, réussit son personnage de Tyler Rake, un mercenaire touché par un drame familial, pas très bavard et surtout doué comme personne pour la bagarre, toutes catégories confondues. Engagé par un trafiquant du Bangladesh pour retrouver son fils kidnappé par un concurrent, le danger va plutôt venir de l’évasion de Tyler Rake et du jeune Ovi de Dacca, la capitale bangladaise, dans laquelle les hommes du trafiquant et ceux de l’armée, corrompue, les traquent sans relâche.
L’histoire, écrite par les frères Russo dans le roman graphique paru en 2013, "Ciudad", se déplace dans son adaptation en scénario du Paraguay au Bangladesh. Un changement de continent qui apporte peut-être plus de dépaysement, en distinguant une partie de son intrigue du très solide Man on Fire de Tony Scott. Parce que Chris Hemsworth est bien on fire dans Tyler Rake, et c’est jouissif de voir l’interprète de Thor se lâcher dans un registre très physique et très différent.
L’action est impressionnante, réalisée par Sam Hargrave, dont le métier est initialement les cascades et leur coordination. Stuntman réputé à Hollywood, il a dirigé les cascades sur Captain America : Civil War et Avengers : Endgame. La relation entre les producteurs Russo et le réalisateur est donc idéale. Les films portés par des cascadeurs de métier se ratent rarement sur l’action, et à la manière de Chad Stahelski (John Wick) et David Leitch (Atomic Blonde), Sam Hargrave propose quelques séquences à vous coller profondément dans le canapé. La première séquence étendue d’action, lorsque Tyler retrouve Ovi, est une petite leçon de mise en scène et de chorégraphie, avec une caméra au rythme de tout ce qui pleut : chaises, tables, armes blanches, armes à feu.
Tyler Rake n’en sort jamais indemne, et la capacité de Chris Hemsworth à jouer une puissance bestiale et acharnée est de toute évidence importante. Sans en dire trop, une séquence de course-poursuite dans les rues de Dacca retient aussi toute l’attention, avec un plan-séquence très réussi. Il lui faut un opposant sérieux, qui est interprété par Randeep Hooda, lui aussi très à l'aise et convaincant dans cet exercice d'action à très haute intensité.
L'action dévore un scénario qui a des faiblesses
Tyler Rake est démesuré dans son action, frôlant la frontière avec l’invraisemblable et la mordant par moments. La poursuite de Tyler et d’Ovi déclenche un chaos qui semble n’avoir pas de fin, et il faut bien une scène de conclusion avec un maximum d’explosions et de coups de feu pour tirer une première révérence. À côté de la belle action, l’identité de Tyler ne tient pas parfaitement le rythme, avec des longueurs qu’on trouve dans les relations du personnage.
Avec son employeuse Golshifteh Farahani, avec un ancien camarade et ami (David Harbour), avec Ovi (Rudhraksh Jaiswa), sont respectivement suggérés un lien confiant mais ambigu, un lien construit, un lien naissant. Tyler Rake a un passé, cette vie est une seconde, et une première pour nous. Il faut donc le situer avec ces liens, et la tâche n’est pas facile, avec des échanges parfois très simplistes. Il y a un déséquilibre, des respirations et des repos qui auraient gagné à être réduits. Le film dure deux heures, et on ressent cette durée dans ces échanges qui ne resteront pas dans les mémoires.
Mais dans l’ensemble, Tyler Rake est un excellent divertissement, l’accent mis et appuyé avec gourmandise sur l’action d’une évasion effrénée, empruntant au meilleur des films de combattants de la décennie passée, comme The Raid 1 & 2, John Wick 3. Les amateurs de survival et de Gun-Fu auront ainsi largement de quoi s’en mettre sous la dent. Concernant ses démêlés avec les faiblesses de son scénario, il aura fallu quelques années pour prendre la mesure de la qualité des films John Wick, et assumer que la mort d’un chien et le vol d’une voiture étaient suffisants pour déclencher le chaos. Tyler Rake, qui dispose de tous les atouts pour être une très belle saga d’action, devrait s’en inspirer.
Tyler Rake, le 24 avril sur Netflix. La bande-annonce ci-dessus. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.