CRITIQUE / AVIS FILM - "Un espion ordinaire" de Dominic Cooke offre encore un rôle marquant à Benedict Cumberbatch. Celui d'un homme lambda devenu un élément essentiel durant la Guerre froide.
Un espion ordinaire en pleine Guerre froide
Dans les années 1960, en pleine Guerre froide, les relations entre les États-Unis et l’URSS sont particulièrement tendues. En 1962, on atteint le paroxysme avec la crise de Cuba. En effet, l’URSS place des missiles nucléaires sur l’île en direction des États-Unis. Un armement repéré par un avion américain le 14 octobre 1962, ce qui permettra au président Kennedy d’entrer en négociation avec Khrouchtchev et, au final, d’obtenir le retrait des missiles soviétiques.
Cette crise, qui mit le monde dans l’angoisse durant plusieurs jours, n’aurait peut-être pas été évitée sans les informations transmises par Oleg Penkovsky, colonel du GRU soviétique (direction générale des renseignements). Ce dernier, voyant l’escalade entre l’URSS et les États-Unis, décida de trahir son pays en faisant passer des secrets à l’Ouest. Mais pour récupérer ces documents sans le trahir, impossible d’envoyer un agent américain. Ainsi, à la place, c’est Greville Wynne, homme d’affaires britannique amené à voyager à l’Est, qui fut chargé de cette mission. Un homme lambda, sans aucune formation, qui devint du jour au lendemain un espion ordinaire.
Une dramaturgie à toute épreuve0
C’est donc sur Greville qu’Un espion ordinaire se focalise. Réalisé par Dominic Cooke, le film s’appuie en grande partie sur cette histoire incroyable. Pas besoin de trop en faire pour passionner le spectateur. Rapidement se crée un sentiment inquiétant à chaque voyage de Greville. Lui qui n’est qu’un petit homme d’affaires pas au sommet de sa forme. Pour l’incarner, Benedict Cumberbatch livre une fois de plus une grande prestation. On le sent fébrile, sans assurance, mais gagnant en motivation au fur et à mesure. Car s’il reste d’abord perplexe sur son rôle - qui consiste à rencontrer des politiques soviétiques et les divertir pour leur vendre du matériel anglais, et ainsi rentrer en contact avec Oleg -, il va prendre conscience qu’il peut faire la différence pour empêcher un conflit majeur.
Une position qui viendra d’abord d’Oleg pour qui tous les occidentaux ne sont pas le mal. Comme il le dit si bien, le problème vient d’abord des dirigeants de son pays et des États-Unis qui ne s’aiment pas. C’est ainsi qu’il développera une amitié forte avec Greville. Une relation très bien construite dans Un espion ordinaire qui permet d’aller au-delà du simple film d’espionnage. C’est d’ailleurs par cette profondeur des personnages qu’on en vient à excuser le classicisme de la réalisation de Dominic Cooke. On pense alors évidemment au film Le Pont des espions (2015), mais difficile d’arriver à la cheville visuellement de Steven Spielberg pour quelqu’un qui est, à l’origine, metteur en scène de pièces de théâtre. Dominic Cooke est un dramaturge avant tout.
Les interprètes font la loi
On retient alors d'Un espion ordinaire, encore une fois, en premier lieu la performance d’acteur. Comme dit précédemment, Benedict Cumberbatch ne déçoit pas. Les seconds rôles portés par Jessie Buckley et Rachel Brosnahan ne sont pas en reste. La première interprétant la femme de Greville qui ne peut rien savoir de ses activités. Et la seconde jouant une agente américaine, un soutien nécessaire pour Greville. Mais on notera surtout la présence de Merab Ninidze, qui laisse entrevoir chez Oleg une certaine fragilité. Ou plutôt un humanisme étonnant. Et ce, en dépit de sa position d’espion expérimenté.
Grâce à ce duo d’interprètes, l’empathie grandit pour ces personnages et permet d’accentuer toutes les tensions dans une dernière partie glaçante. Un terrible rebondissement dans cette affaire, comme le cinéma hollywoodien sait nous en fournir, mais qui malheureusement est tiré d'une triste réalité.
Un espion ordinaire de Dominic Cooke, en salle le 23 juin 2021. Ci-dessus la bande-annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.