CRITIQUE / AVIS FILM - Thomas Lilti s'échappe du milieu médical et pose sa caméra dans un collège on ne peut plus "banal" avec "Un métier sérieux". Une galerie de portraits sensible et humaniste de plusieurs enseignants, avec laquelle il offre aux spectateurs une large palette d'émotions.
Des médecins aux profs
Après trois longs-métrages très réussis, trois immersions dans le milieu médical, le réalisateur Thomas Lilti, ancien médecin généraliste, a cette fois-ci presque tout changé. Pour Un métier sérieux, fini la médecine et l'hôpital, et place aux salles de classe d'un collège. Un collège on ne peut plus normal, réel, banal comme il y en a des centaines, et un terrain de jeu parfait pour que Thomas Lilti y développe son savoir-faire : une fiction depuis le réel.
Un changement de décor, de métiers, mais beaucoup des éléments de sa recette éprouvée sur sa trilogie médicale sont là. Un film de groupe, quasi choral, avec plusieurs narrations, presque autant que de personnages. Ces personnages justement - le prof expérimenté et autoritaire, le prof débutant, la prof inflexible et tourmentée, entre autres - Thomas Lilti les confie à des acteurs qu'il connaît pour leur majorité très bien.
Un casting fidèle et idéal
Il y a donc Benjamin, incarné par Vincent Lacoste, le prof débutant et personnage principal d'Un métier sérieux, profil parfait pour introduire le spectateur dans ce nouveau monde. Il y a William Lebghil pour jouer Fouad, prof d'anglais à la vocation évidente, qui va vite devenir son ami. Pierre, incarné par François Cluzet, prof en fin de carrière et aux prises avec un bilan personnel difficile. Tous ces comédiens ont tourné au moins une fois avec Thomas Lilti, comme c'est aussi le cas pour Louise Bourgoin. Et il y a les nouvelles recrues, principalement Adèle Exarchopoulos, qui réussit encore, toujours, une magnifique performance.
On rit facilement, on s'émeut tout autant. On redécouvre un métier, on prend la mesure de ses difficultés, en classe comme en privé, la mesure de ses joies et de ses peines. Thomas Lilti sait poser sa caméra à la juste distance de ses personnages, de son sujet, et il le fait dans Un métier sérieux comme il le faisait dans Hippocrate, le film comme la série. Il y a ainsi une forme d'évidence dans Un métier sérieux, une proposition claire et une précision remarquable assises sur des portraits très réussis.
Portraits simples et entiers
Fondamentalement, Un métier sérieux ne dépeint pas autrement le métier d'enseignant que les nombreux films à s'être déjà penchés sur le sujet, mais il le fait sans beaucoup d'artifices, avec toujours cette condition du réel à respecter. Alors, le métier seul ne suffisant pas à nourrir une fiction inédite, Thomas Lilti développe avec brio des histoires secondaires touchantes pour les différents personnages. Sur ce point, son cinéma entretient des points communs avec celui de Toledano et Nakache, dans sa capacité à mettre systématiquement l'humain au premier plan, et les artifices cinématographiques à son seul service.
On retiendra alors une grande séquence, centrale dans Un métier sérieux et dans l'histoire propre à Benjamin, celle du conseil de discipline. Ce fameux événement qui hante les couloirs de chaque collège, invariablement promesse d'une exclusion, d'un bouleversement pour l'élève comme pour ses professeurs, mini-tribunal où s'opposent les différentes versions d'un même événement. Et dans cette séquence, Vincent Lacoste montre à nouveau combien il sait être intense, même concernant un personnage pour lequel, ici, l'inexpérience est une composante essentielle.
C'est avec cette humanité au coeur qu'Un métier sérieux parvient à trouver sa justesse, sa grande sensibilité, et finalement rendre cette "banalité" importante, intéressante, pour en faire un enseignement essentiel. Se refusant aux idées spectaculaires, qui feraient des profs des super-héros - ou super-vilains - face à des élèves simples spectateurs de leur show -, se refusant aussi à la facilité d'inclure l'école dans une vue sociale plus large, Thomas Lilti rend compte de ce qui fait l'esprit et la chair de ce monde, loin des idéologies et instrumentalisations politiques : les professeurs, par les hommes et les femmes qui le sont.
Un métier sérieux de Thomas Lilti, en salles le 13 septembre 2023. Ci-dessus la bande-annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.