CRITIQUE / AVIS FILM - Alan Ball, le créateur des séries "Six Feet Under" et "True Blood", revient avec son deuxième long-métrage, "Uncle Frank", à un drame personnel dans lequel Paul Bettany doit se reconstruire sous le regard de Sophia Lillis.
Alan Ball revient au long-métrage avec Uncle Frank
Alan Ball est bien connu des sérivores. On lui doit en effet deux séries majeurs de HBO, Six Feet Under (2001-2005) et True Blood (2008-2011). Dommage que sa dernière création, Here and Now (2018), n’ait pas été à la hauteur des précédentes. Un show oubliable annulé après une saison. Mais Alan Ball s'est également déjà essayé au format du long-métrage. C’était en 2007 avec Tabou(s). Plusieurs années se sont écoulées donc avant qu’il revienne à ce format. Et le moins qu’on puisse dire, c’est que l’attente aura été bénéfique puisqu’avec Uncle Frank il signe un beau drame maîtrisé et personnel.
Comme il l’expliquait en présentation du film au 46e festival de Deauville, Uncle Frank n’est pas tiré d’une histoire vraie, mais inspiré d’une personne qui aurait pu compter dans sa vie. Lorsqu’il était jeune, Alan Ball annonça à sa mère son homosexualité. Sa réaction ne fut pas des plus enthousiastes. Mais elle lui parla alors d’un oncle de la famille qui avait lui aussi “un ami spécial”. Alan Ball ne le rencontra jamais, mais imagina avec Uncle Frank une histoire qui aurait pu être la sienne.
Entre coming out et tragédie familiale
Le film se déroule entre la fin des années 1960 et le début des années 1970. Dans la famille Bledsoe, qui vit à Creekville en Caroline du Sud, Frank (Paul Bettany) apparaît comme un membre à part aux yeux de la jeune Beth (Sophia Lillis). Un homme cultivé, élégant, attentif et sensible mais jamais prétentieux. Encore adolescente, difficile alors pour elle de comprendre le regard noir que porte son grand-père sur Frank. Ce n’est finalement que quelques années plus tard, en 1973, lorsqu’elle retrouve son oncle à l’université de New York où il enseigne, qu’elle découvrira son homosexualité.
Uncle Frank n’est donc pas un récit initiatique centré sur Beth, sortie de sa campagne pour découvrir un autre monde en débarquant à New York. Bien qu’elle soit au premier plan, c’est bien le parcours de Frank qui intéresse ici. Car alors qu’ils apprennent le décès de son père, le voilà à devoir retourner dans sa ville natale pour l’enterrement. Un road trip effectué avec Beth durant lequel son passé resurgit.
Evidemment, le sujet choisi par Alan Ball n’est pas particulièrement originale. Néanmoins, le réalisateur parvient à toucher, car au-delà de la question du coming out, il y a surtout à la base une relation conflictuelle entre un père et son fils. Frank est un homme qui a grandi en étant considéré comme une erreur de la nature par un patriarche extrêmement dur. La finesse d’Alan Ball est alors de ne pas montrer une violence physique, mais d’insister sur la dureté des mots. Des mots lâchés durant l’adolescence de son personnage et qui ont eu sur lui des conséquences désastreuses dans sa construction personnelle. On sent la toute la sensibilité du réalisateur qui, sans en faire des caisses, émeut aisément. A cela s’ajoutent les présences de Sophia Lillis, toujours juste, légèrement en retrait mais qui ne s’efface pas, et de Paul Bettany. Ce dernier laisse entrevoir toute la fragilité de son personnage et capte à lui seul l’empathie du spectateur. Suffisant pour marquer les esprits à court terme.
Uncle Frank d'Alan Ball, sur Amazon Prime Video le 25 novembre 2020. Ci-dessus un extrait. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces. Le film était présenté au 46e festival de Deauville.