CRITIQUE / AVIS FILM - Après "Planetarium" avec Natalie Portman et Lily-Rose Depp, la réalisatrice Rebecca Zlotowski filme Zahia Dehar dans "Une fille facile", où l'ancienne escort fait découvrir à sa jeune cousine son monde superficiel où le corps est roi.
En amont de la présentation d’Une fille facile à la Quinzaine des réalisateurs de Cannes, Rebecca Zlotowski expliquait avoir été attirée par « le corps insensé » de Zahia Dehar pour lui offrir un rôle dans son quatrième long-métrage. En effet, le moins qu’on puisse dire, c’est que ce n’est pas pour ses talents d’actrice. Pendant que la jeune Mina Farid se montre authentique et livre une très bonne performance, l’ancienne escort de luxe fait saigner les oreilles dès ses premiers dialogues.
Pourtant, Zlotowski veut vraisemblablement diriger Zahia de manière à lui donner des airs de Brigitte Bardot, celle d’Et dieu créa la femme surtout, dont les points communs sont nombreux. Sauf que s’il y a maintenant plus de soixante ans Roger Vadim montrait la libération de la femme avec une Bardot sulfureuse, ici, Zahia la ramène au vulgaire et au superficiel.
Et Dieu créa… Zahia ?
Dans le film, elle est Sofia, une femme de 22 ans qui use de son corps en plastique pour attirer le regard des hommes friqués et se faire offrir bijoux, montres de luxe et sacs Chanel. Sa vie, c’est sortir sans un sou et profiter de la richesse du premier qui voudra bien la garder dans son lit, mais s’en lassera rapidement. Serait-ce un biopic sur celle qui s’est rendue célèbre dans une affaire de mœurs impliquant des joueurs de foot ? Quand même pas. Bien que la cinéaste s’amuse à poser les questions qui fâchent, autant au personnage qu’à son actrice, comme les raisons de cette outrance de botox sur une fille aussi jeune. Amusant. Dommage qu’in fine, Zahia/Zlotowski botte en touche… Une fille facile ne cherchant même pas à faire une critique de notre époque et des nouveaux modèles des jeunes, d'une société qui a perdu ses valeurs et ses principes, qui glorifie la richesse matérielle plutôt qu'intellectuelle.
Pas un biopic donc, car le personnage central d’Une fille facile c’est Naïma (Mina Farid), la cousine de 16 ans de Sofia qui vit à Cannes et se réjouit de revoir sa cousine. C’est l’été, le moment où la jeunesse peut profiter de l’instant et se libérer. Avec Sofia à la baguette, Naïma découvre un monde de luxe qui tend les bras à celle qui sait user de son corps. Bien entendu, pour la morale, Naïma trouvera sa voie, et Sofia se révélera plus triste qu’autre chose et finalement peu désirable. Justement, le problème c’est que désirable, Sofia ne l’est jamais au regard du spectateur (car un personnage vide, inintéressant au possible), et on peine à comprendre l’intérêt même que lui porte Naïma. Fille facile, femme libérée sexuellement, pas tant que cela même puisque Sofia est finalement soumise constamment à la domination masculine, au désir masculin qui prend, retourne et jette à sa guise.
En faisant le choix Zahia, Zlotowski s’offre donc une poupée Barbie qui joue comme un sac, se voudrait des airs de Bardot, mais n’en a pas la fougue, le charme ni la beauté. On penserait même à Ludivine Sagnier, sublime dans Swimming Pool. Mais la cinéaste aura beau filmer le corps de « l’actrice » en long en large et en travers, mettre à l’air ses seins gonflés dès qu’elle en a l’occasion et la livrer à des scènes de sexe sans saveur, rien ne la différencie vraiment d’une bimbo lambda. Rien pour donner envie au regard de s’attarder, de ressentir avec elle la chaleur de l’été.
D’ailleurs, même la caméra semble souvent la fuir, attirée davantage par le naturel et la jeunesse de Naïma. Un vrai problème pour Une fille facile qui ne s’appuie pas derrière sur un scénario très original. Tout est attendu, gentil et lisse. Là où un Kechiche parvient à filmer durant des heures les déambulations d’une jeunesse enivrée par la vie, où une Sciamma livre des personnages féminins passionnants et touchants, Zlotowski ne parvient jamais à se sortir d’un film anecdotique aux airs de premier long.
Une fille facile, de Rebecca Zlotowski. Au cinéma le 28 août 2019. Ci-dessus la bande-annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.